Azerbaïdjan : pourquoi la cohabitation religieuse se passe bien ?

 

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L’Azerbaïdjan, pays à majorité musulmane chiite (85 % de chiites et 15 % de sunnites) semble être un modèle de cohabitation religieuse.
Cet article décrit les différents facteurs qui expliqueraient cette cohésion nationale malgré la diversité religieuse (musulmans, catholiques, orthodoxes, juifs).
Laïcité, brassage ethnique, mais aussi contrôle autoritaire sur le culte musulman afin d’enrayer l’islamisme, favorisent une harmonie qui est toutefois liée à des données historiques, géographiques et politiques.
Une heureuse rencontre entre un volontarisme politique et un indéniable facteur chance pour le bonheur des azerbaïdjanais…

 

Article du site AFFAIRES INTERNATIONALES.

Les tensions confessionnelles au Moyen-Orient n’en finissent plus d’atteindre des sommets. A la suite de la mise à mort par l’Arabie saoudite du dignitaire religieux chiite Nimr Al-Nimr, une série d’attaques contre les missions diplomatiques saoudiennes en Iran a rompu les relations diplomatiques entre les deux pays. La situation en Israël/Palestine, avec la reprise des attaques au couteau et à la voiture bélier, est elle aussi alarmante, et les clivages religieux semblent définir l’époque. Il existe pourtant un pays où la cohabitation religieuse a lieu sans heurt : l’Azerbaïdjan. Pays à majorité musulmane chiite (85 % de chiites et 15 % de sunnites), cet Etat du Caucase accueille également des Russes orthodoxes, des catholiques, des protestants, l’ancienne religion zoroastrienne et une communauté juive, sans qu’aucune tension ne soit à déplorer. Cette république entretient également une relation étroite d’amitié avec Israël, cas rare dans un pays à majorité musulmane, qui mérite d’être étudié.

Située aux confins de l’Europe et de l’Asie mineure, la République d’Azerbaïdjan a beau avoir l’islam comme religion dominante, elle pratique une politique de porte ouverte, et de tolérance, qui en fait une terre d’accueil et de paix pour toute les religions. De fait, la République d’Azerbaïdjan est connue pour être l’un des seuls États laïcs au sein du monde musulman – avec la Turquie. L’article 48 de la constitution assure à tout le monde le droit de la liberté de conscience. Plus surprenant encore, les alinéas 1-3 de l’article 18 de la loi fondamentale, précisent que la religion est séparée de l’Etat, que toutes les croyances sont équivalentes, et qu’il est interdit de diffuser les religions qui avilissent les personnes et qui ne sont pas conformes aux principes de l’humanité. Plus que de simples notions abstraites, cette ouverture s’illustre depuis des siècles. Le respect et la tolérance envers les minorités nationales ont joué un rôle vital dans le développement du pays, devenu depuis véritable point de passage multiculturel grâce aux flux mis en place autour de la « Route de la Soie ».

Réciproquement, la localisation géographique de l’Azerbaïdjan, entrainant un véritable brassage ethnique de la population, a créé un environnement favorable pour la présence des diverses religions. Les minorités et les femmes ont par ailleurs été omniprésentes dans le gouvernement de l’Azerbaïdjan depuis l’indépendance de l’Union soviétique (les femmes y ont été autorisées à voter dès 1918, avant la France, donc). Cette ouverture s’étend naturellement et historiquement à la communauté juive. Le premier ministre de la Santé à la création de la République démocratique d’Azerbaïdjan, entre 1918-1920, était juif. En outre, plusieurs groupes juifs avaient déjà des représentants au parlement et des organismes de presse propres (avec le bulletin d’information Juifs du Caucase et la magazine bimensuel la jeunesse de Sion). Plus étonnant encore, le pays entretient des liens étroits avec Israël.

Les communautés religieuses traditionnelles – mosquées musulmanes, églises chrétiennes orthodoxes, catholiques, albanaises-Udi, les synagogues juives ont coexisté historiquement en Azerbaïdjan, et aujourd’hui elles agissent librement pour accomplir leurs rites religieux. « Les sunnites et chiites prient ensemble dans plus de 800 lieux de culte existant aujourd’hui dans le pays, ce fait est un exemple rare de l’unité confessionnelle qui pourrait être un exemple pour le monde. Il y a les anciennes églises albanaises-Udi, ainsi que 12 églises catholiques et orthodoxes, 6 synagogues juives en Azerbaïdjan. Nous participons ensemble aux événements publics, fêtes et cérémonies religieuses », expliquait un comité regroupant le Département des Musulmans du Caucase, le Diocèse de Bakou et de l’Azerbaïdjan, la Préfecture apostolique de l’Eglise catholique romaine, la Communauté des Juifs des Montagnes, la communauté des juifs européens de Bakou et la communauté religieuse Albanaise-Udi. Une missive envoyée fin décembre au Congrès américain.

Ces derniers temps, l’État a cependant pris quelques mesures à l’encontre des différents groupes religieux. Cette attitude est en partie le résultat d’une tentative d’enrayer la croissance potentielle de l’extrémisme islamique. Sous la présidence d’Ilham Aliyev, l’Etat s’est montré intraitable envers ceux qui pervertissent l’Islam en s’enfonçant dans l’intolérance religieuse pour exercer un contrôle autoritaire sur le culte musulman.

Dans un monde où l’orthodoxie wahhabite a connu un essor sans précédent, cette pluralité des religions, mais aussi des pratiques interne à l’Islam, fait exception. Le pays assure également un rôle international de maintien de la paix et de lutte contre l’intolérance religieuse. Un groupe de 42 casques bleus opérant sous le pavillon de l’ONU a quitté le sol azerbaidjanais récemment, afin de se rendre en Afghanistan pour faire partie des opérations non-militaires de maintien de la paix. Le pays a pris part à ces missions dès novembre 2002, et a doublé ses effectifs en 2009. Bakou s’est par ailleurs engagée à rester sur le sol afghan après les grands départs de 2014.

Au fil du temps, l’Azerbaïdjan d’Ilham Aliyev a réussi à s’imposer comme un modèle de cohabitation entre diverses ethnies et religions, modèle dont gagneraient à s’inspirer de nombreux pays en ces temps troubles de crispations religieuses et ethniques. Son secret ? Difficile à dire, tant cette alchimie semble la résultante de nombreux paramètres historiques, politiques, géographiques, etc. Impossible pourtant de ne pas saluer le sens aigu du vivre-ensemble azerbaïdjanais, et la façon dont l’appareil politique du pays parvient à l’encourager envers et contre tout.