Les karaïmes, ces Juifs épargnés par les nazis
Le karaïsme est un courant religieux juif fondé en Babylonie au VIIIème siècle après J-C. mais pour certains, les karaïtes pourraient être les successeurs des sadducéens voire des esséniens.
C’est au IXème siècle sous l’influence d’un leader juif, David ben Anan, premier théoricien du karaïsme, que plusieurs groupes religieux se seraient rassemblés. On considère que du IXème au XIème siècle 10 à 40 % de la population juive aurait adopté ce courant religieux.
Le karaïsme est fondé uniquement sur l’observance stricte de la loi écrite la Torah, ces adeptes refusent la loi orale compilée par les rabbins dans le Talmud. Ils s’opposent donc à l’autorité rabbinique car pour eux la loi orale n’est pas de révélation divine. Leur pratique diffère donc sensiblement du judaïsme rabbinique. Nous ne pouvons pas dans cette article détailler les différences de pratique religieuse des juifs karaïtes, pas plus que leurs origines ethniques mais dont on verra qu’elles ont leur importance.
L’influence des karaïtes va diminuer au profit du judaïsme rabbinique plus structuré qui les considère comme hérétiques. Au fil des vicissitudes de l’histoire des juifs, on retrouve des communautés karaïtes dans tous les pays où il y a des juifs et notamment pour ce qui nous intéresse dans cet article, en Europe orientale notamment en Lituanie, en Crimée et en Russie. Déjà à partir du XIXème siècle dans la Russie antisémite, leur mode de vie mimétique des populations locales (absence de signes religieux extérieurs comme les mezuzah, les tefillin ,le miqweh et une cachéroute différente) les rendent plus acceptables aux yeux des chrétiens orthodoxes voire des musulmans. Dans une Russie où les pogroms sont nombreux et sous l’influence de théoriciens karaïtes (Firkovich, Szapszal puis plus tard Szysman), ils accentuent leur divergence avec les juifs rabbanites jusqu’à évoquer l’hypothèse que les karaïtes d’Europe orientale seraient issus d’une ethnie turco-tatare, parlant une langue spécifique mélange d’hébreu et de dialecte local, et se déterminent comme karaïmes, le terme karaïte réservé au courant juif.
Dans les années 1930 avec la montée du nazisme se pose le devenir des karaïmes. En 1934 le comité italien pour l’étude des populations dirigé par l’eugéniste Corrado Gini proche de l’idéologie fasciste, après enquête sur les karaïmes de Pologne et de Lituanie, écrit que rien ne les distingue des autres populations locales contrairement aux juifs rabbanites. Les nazis se servirent de ce rapport et en 1938 le bureau du Reich allemand pour la recherche sur la race à Berlin décrète de ne pas considérer la secte des karaïtes comme appartenant à la communauté juive. Cependant les nazis obsédés par la question raciale ne réglèrent jamais vraiment le statut racial des karaïmes, les considérant de toute façon de sang impur et ce jusqu’à la défaite du IIIème Reich. Ils organisèrent même une confrontation entre un érudit juif Kalmanovitch en le sortant du ghetto de Vilna et le hakam karaïte Szapszal qui conclut à l’origine non juive des karaïmes. Thèse sans doute accréditée par les spécialistes juifs, alors qu’ils déclaraient le contraire avant la guerre, pour aider les karaïmes à se protéger. Certains juifs rabbanites d’ailleurs pour échapper à la Shoah se faisait passer pour karaïmes avec la complicité des membres de cette communauté. L’étanchéité entre les deux communautés n’était pas absolue. Cependant en 1941 Szapszal constitue une liste des karaïmes de Pologne et de Lituanie à la demande des nazis. De 500 à 600 karaïmes serviront dans la Wehrmacht et dans la légion tatare. Apres la guerre on reprochera à Szapszal d’avoir rédigé une liste de la mort et d’avoir favorisé la collaboration. Il s’en défendra en déclarant n’avoir obéi à l’occupant nazi que pour protéger sa communauté.
On peut penser que les karaïmes ont échappé à la Shoah pour des raisons politiques et non raciales ; leur pratique du judaïsme plus « gentils compatible », leur mimétisme vis à vis des populations locales et leurs origines supposées turco-tatare ont fait que les nazis pour ne pas créer d’incidents avec leurs alliés Turcs et Tatares les ont épargnés. Ils auraient été liquidés comme les Krimchaks et les Tziganes si les allemands avaient gagné la guerre. De nombreux documents dont une partie du rapport Gini mentionnaient leur filiation juive, ce que les allemands ont occulté volontairement pour des raisons politiques.