Les juifs dans une impasse politique et idéologique. Le spectre de l’émergence d’un « parti juif » en France ?
« Les juifs d’état dans les guerres franco-françaises. Du boulangisme au front populaire. »
Ce document de Pierre Birnbaum montre l’impossibilité pour les juifs qui occupent des fonctions politiques d’échapper à l’antisémitisme en France. L’auteur les nomme les juifs d' »état ».
Les oppositions idéologiques qui caractérisent le paysage politique français, imposent aux juifs de choisir un camp. Souvent, ils choisissent celui des modérés, des républicains, des défenseurs du progrès, de la modernité et de la liberté. Plus rarement, ils sont tentés par les idéologies nationalistes, populistes et réactionnaires.
Dans les deux cas, ils sont vilipendés. Quand ils sont dans le camp républicain, ils sont violemment attaqués par les extrémistes. Quand ils sont avec les extrémistes, ils s’efforcent de démontrer leur patriotisme et leur dévouement à la nation. Souvent avec succès au début. Mais l’antisémitisme refait toujours surface. Il n’avait d’ailleurs jamais disparu; il était simplement contenu par l’union fragile des radicaux. Mais dès que des divergences sont apparues, les juifs contraints de se positionner, se sont attirés les foudres d’une partie de leurs alliés. Et cette hostilité a dégénéré en un antisémitisme aussi violent qu’irrationnel. Pire, la question juive est devenue centrale dans les antagonismes en action.
Dans « Les juifs d’état dans les guerres franco-françaises. Du boulangisme au front populaire », Pierre Birnbaum prend l’exemple de 3 figures symboliques: Alfred Naquet, à la fois juif et boulangiste, Joseph Reinach, le gambettiste dreyfusard, et Léon Blum, l’homme du Front populaire. A travers leur cas se précise ainsi toute l’histoire politique de
l’antisémitisme et de ses fonctions.
On y apprend que pendant l’Affaire Dreyfus, Charles Peguy parlera pour la première fois, dans des termes se voulant élogieux, de « parti juif », le seul qui n’ait jamais faibli devant les démagogues et les extrémistes. Il désignait alors l’action de Joseph Reinach qui a résisté aux attaques anti-dreyfusardes. Celui-ci réfuta la formule, refusant de s’enfermer dans un concept particulariste et considérant qu’il était au service de l’universalisme républicain.
Peut-être que s’il vivait encore, le sort des juifs et la persistance de l’antisémitisme lui feraient changer d’avis…
Les juifs d’état dans les guerres franco-françaises. Du boulangisme au front populaire
https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1992_num_33_1_2486