Les Juifs et la pharmacie.

La Bible mentionne un grand nombre de plantes, mais sans indiquer leurs vertus médicinales. Par contre, le Talmud est plein de formules de médicaments, mais que devaient préparer et livrer les médecins eux-mêmes, car en Palestine, comme partout dans l’antiquité, ils étaient ce que nous appelons aujourd’hui des propharmaciens. Le Talmud interdit expressément d’acheter la thériaque chez les infidèles.

D’après Lucien, c’étaient des Juifs mal famés qui, dans la Rome impériale, vendaient les épices et fabriquaient les onguents.

Dans le haut Moyen-Age, beaucoup de traités médico-pharmaceutiques écrits dans l’ambiance du monde arabe sont dus à des Juifs.

Au VIIè siècle, c’est le Séfer Refouoth d’Assaph qui étudie 123 plantes médicinales en donnant leurs noms grecs, latins et araméens ; au xe siècle, c’est le Séfer Hayakar de Sabbatai ben Abraham, ou Donnolo, véritable traité de pharmacologie ; vers 1250, c’est la pharmacopée de Salomon ha-Katan, qui vivait à Montpellier.

Tous ces auteurs écrivent en hébreu. D’autres, plus célèbres encore, s’expriment en arabe : au XIIè siècle, le médecin de Saladin, Maïmonide, et au xme, Al Kûhin al-‘Attâr, dont le Minhâj, formulaire populaire, est encore utilisé en Orient.

Enfin, au XVè siècle, le fameux Compendium aromatariorum, qui préfigure L’officine de Dorvault, est écrit en latin par Saladino di Ascoli, médecin juif du duc de Tarente.

Car beaucoup de princes et même de prélats, malgré de nombreux obstacles créés par l’Eglise, attachaient à leur personne des médecins ou des apothicaires israélites. De son côté, le peuple achetait beaucoup de drogues plus ou moins exotiques aux marchands juifs ou « marranes », c’est-à-dire officiellement convertis.

Citons parmi les grands pharmaciens fils d’Israël que le XVIè siècle a connus : Abraham Lusitanus, Amatus Lusitanus, Garcia de Orta, Cristoval Acosta, tous quatre portugais ; le XVIIè : Antoine d’Aquin ou Daquin, premier médecin et pharmacien de la reine de France (mais non Moïse Charas, dont le prénom avait induit plusieurs historiens en erreur) ; et, en Russie : Daniel von Gaden, d’origine allemande, devenu pharmacien du tsar et qui, en 1682, fut exécuté pour avoir, avec le concours des cinq élèves de son officine, organisé une révolution… et avoir été moins heureux que Lénine.

Source :https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1955_num_43_147_11395_t1_0223_0000_1