Les gangsters juifs et la morale

Extrait de Yiddish Connection

Même les plus violents des gangsters se considéraient comme de bon Juifs, des gens du Livre. Ils se rendaient au temple à l’occasion de toutes les grandes fêtes liturgiques, tournaient leurs pensées vers Dieu quand les choses allaient mal, faisaient circoncire leurs fils, pour ensuite les accompagner à leur bar-mitsva. Ils n’étaient pas habités en permanence par le fait d’être juif, mais ils avaient conscience d’eux-mêmes en tant que Juifs, en qualité d’acteurs d’une histoire plus ample : le Temple, l’Exode. Comment s’y prenaient ils pour cadrer leur existence criminelle avec la vie de la Bible ? Eh bien comme la plupart des gens, ils introduisaient un distinguo : ceci est la vie de l’âme, et ceci est la vie du corps. L’an prochain à Jérusalem. Mais tant que je suis dans la Diaspora, c’est ainsi que je vis. 

Un avocat demanda à Reles (gangster juif) comment il faisait face à ces contradictions.

 » Avez-vous des regrets ? lui lance l’avocat.
– Je vis dans les regrets lui répond Reles.
– Croyez-vous qu’il y ait un Dieu ? insiste l’avocat.
– Oui, monsieur
– Quand avez-vous commencé à croire en Dieu ?
– J’ai toujours su qu’il y avait un Dieu, affirme Reles.
– Vous saviez qu’il y avait un Dieu pendant que vous perpétriez tous ces différents meurtres ?
– C’est comme ça que ma vie était organisée, explique Reles. C’était ma profession.  
– Est ce que vous croyiez en Dieu quand vous avez tué Jacke le Peintre ?
– Je savais qu’il y avait un Dieu. « 

 

Rich Cohen

 

Commentaire : 

Si on déplore le comportement de criminels qui prétendent croire en Dieu malgré leurs méfaits, on peut difficilement remettre en cause la sincérité de leur foi. Ceci leur appartient.
Ils opèrent une dichotomie entre leur vie juive et leur activité mafieuse, ce qui leur conférerait une double identité, chacun étant distincte de l’autre.

Leur foi leur permet-elle d’expier leurs pêchés ? Les gangsters ont-ils conscience de faire le mal  ou considèrent-ils seulement leur activité comme une profession, certes peu recommandable, mais une profession tout de même ?

Et que penser des Juifs qui n’ont pas d’activités criminelles, qui respectent scrupuleusement la loi du pays et celle de Dieu mais qui ont des comportements immoraux dans la vie de tous les jours ?

 

 

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