Affaire Polanski : féminisme et antisémitisme

Les féministes sont légitimes quand elles dénoncent les agissements passés de Roman Polanski. Il ne s’agit pas de débattre de la culpabilité de Polanski ni de la possibilité de lui pardonner. C’est une autre affaire dont se chargera notamment la justice. D’un point de vue moral, chacun jugera en son âme et conscience. Mais est-il acceptable d’empêcher des spectateurs d’aller voir un film? N’est-ce pas une forme de censure qui relève de l’intolérance. Si la cause des féministes est juste, les moyens  utilisés sont contestables car ils sont semblables à ceux des groupes extrémistes qui voudraient censurer les intellectuels et les artistes. Partant de cet argument, certains oseront une comparaison avec Dieudonné dont les spectacles ont été la cible des associations juives et anti-racistes. Pourtant, il y a une différence fondamentale. Contrairement à Roman Polanski, Dieudonné a délibérément choisi de mélanger son métier d’humoriste avec ses convictions politiques. Or la production artistique du cinéaste n’a évidemment strictement rien à voir avec ses déviances sexuelles.

Abordons maintenant la question de l’antisémitisme. Évidemment les féministes n’attaquent pas Polanski en tant que juif. Affirmer le contraire serait de la malhonnêteté intellectuelle. Mais ne pouvant pas  l’attaquer directement (ce qui est l’exclusivité des juges), elles s’en prennent à son dernier film, « J’accuse » qui traite de l’affaire Dreyfus. Elles n’incriminent pas son contenu, son message, sa philosophie mais elles tentent d’empêcher sa diffusion. Hélas, la finalité est la même : empêcher le public de voir un film qui traite de l’antisémitisme (et qui le dénonce). Pourtant la démarche des féministes est difficilement condamnable, elles sont dans leur rôle et n’ont pas forcément d’autres moyens d’action. Mais à leur insu, elles font indirectement le jeu de l’antisémitisme. Dans des affaires aussi graves, contrairement à l’adage populaire, ce n’est pas l’intention qui compte, ce sont les actes et leurs conséquences. 

L’appartenance politique des féministes qui fustigent Polansky pose également question. Sont-elles de gauche (vraisemblablement…), de droite (on en doute…), apolitique (on aimerait…)?
Est-il opportun d’opposer un féminisme de « gauche » qui condamnerait principalement les mauvais comportements des hommes blancs des classes aisées, à un féminisme de droite qui ciblerait surtout ceux des hommes de confession musulmane ou issus de l’immigration?
Vraisemblablement, la cause des femmes ne s’est pas encore émancipée des antagonismes idéologiques.