Engelbert Dollfuss, le chancelier autrichien qui a envoyé des nazis dans des camps de concentration

En juin 1933, le chancelier Engelbert Dollfuss est au pouvoir en Autriche. Il est à la tête d’un régime autoritaire. Pas totalitaire car il ne pratique pas le culte de la personnalité et ne fonctionne pas avec un parti unique. En revanche, Dollfuss, par un concours de circonstances lors d’un vote au parlement, s’est retrouvé en toute légalité sans aucune opposition. Dès lors, il a les mains libres et gouverne uniquement par décret. Son idéologie est un mélange de corporatisme économique et de catholicisme social. Elle est qualifiée par les historiens d’  » austrofascisme « , terme que les partisans du régime ne réfuteront pas. Dollfuss a été jusqu’à sa mort proche de Benito Mussolini.

À la même période, les nazis allemands et autrichiens multiplient les attentats dans le pays. Ils entendent faire pression sur le gouvernement pour réaliser le rêve d’Hitler: l’Anschluss ; c’est à dire l’unification de l’Allemagne et de l’Autriche.

Malgré des exactions violentes et répétées, Dolfuss et les siens ne plient pas. Mieux, ils vont engager une répression féroce.

Mille cent agents nazis, dont 81 maires, et le chef en personne du parti nazi autrichien, Friedrich Frauenfeld, sont arrêtés et envoyés sans jugement dans les camps de Wöllersdorf et de Kaisersteinbruch. Ils y retrouvent 4 000 de leurs camarades déjà détenus. Le fait est aussi extraordinaire qu’unique en Europe : en juin 1933, alors que Hitler vient d’ouvrir le camp de Dachau à quelques centaines de kilomètres de là, plus de 5 000 nazis sont enfermés en Autriche, pays natal du Führer, dans des camps de concentration ! Le gouvernement de droite au pouvoir à Vienne va même plus loin. Après la tentative manquée de militants nazis de faire sauter un barrage à Salzbourg pour inonder la région sous trois millions de mètres cubes d’eau et une attaque à la grenade d’un détachement d’un groupe paramilitaire progouvernemental à Krems, le parti nazi est purement et simplement dissous ! Tous les biens de ses membres sont confisqués, ses élus déchus de leurs mandats. Le parti nazi autrichien vit alors exactement ce qu’ont vécu tous les partis allemands démocratiques en Allemagne nazie…

Il est intéressant, pour la petite histoire, de savoir pourquoi cette répression s’est durcie jusqu’à l’éradication (temporaire) des nazis autrichiens.
C’est l’assassinat, le 13 juin 1933, d’un bijoutier juif tué par l’explosion d’une bombe cachée dans un bas de soie jeté devant son magasin qui mis le feu au poudre et a incité le chancelier à passer à la vitesse supérieure. Une décision peut-être motivée par le fait qu’Engelbert Dollfuss était traité de « demi-juif » par ses ennemis car il était né de père inconnu…

Hélas, Dollfuss est assassiné le le 25 juillet 1934 par les nazis. Il est remplacé par Kurt Schuschnigg qui poursuivra la politique de son prédécesseur jusqu’à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne.

Engelbert Dollfuss a été le premier chef d’état à résister au nazisme…

 

Source : L‘assassinat de Dollfuss. Jean-Christophe Buisson