L’extrême centre, un système autoritaire méconnu

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 Elie Decazes, premier ministre de Louis XVIII, partisan du juste-milieu (photo prise en 1859)

 

Dans la vie politique française, les extrémistes sont souvent opposés aux modérés. Qu’ils soient de gauche ou de droite, les partis extrémistes sont souvent considérés comme contraires à la démocratie, alors que les partis modérés seraient justement constitutifs de celle-ci. Il n’est d’ailleurs pas rare lors des élections, que la droite se rallie à la gauche pour faire barrage à l’extrême-droite, au nom de la défense de la démocratie. Cette alliance salvatrice est toutefois contre-nature, car les différences idéologiques entre la gauche et le droite subsistent.
 
Les partis du centre sont par définition modérés, car ils sont la synthèse des idées de gauche et des idées de droite.
Il semble alors que le centrisme soit contraire à l’extrémisme car il se situe au milieu du « curseur idéologique ».
Pourtant, au cours de son histoire, la France a été dirigée durant une courte période, par un gouvernement dit d’ « extrême centre ».
Comment définir celui-ci?
L’extrême centre est un mode de gouvernement défini par l’historien Pierre Serna, qui a existé en France du Consulat à la Restauration et en particulier de 1814 à 1820.
Il prône une politique modérée conduite par un exécutif autoritaire. Il s’oppose à la conception démocratique issue de la Révolution française, dans laquelle le gouvernement repose sur l’existence d’une opposition entre une droite et une gauche au sein d’un cadre parlementaire.
Napoléon Bonaparte, lors du coup d’état du 18 brumaire, définit cette philosophie politique sommaire : « Ni talons rouges, ni bonnet rouge, je suis national ». C’est l’idéal d’une vie politique française débarrassée du conflit droite-gauche, envisagée en fait depuis Thermidor et mise en œuvre sous le Directoire.
Le 18 brumaire an VIII est ainsi le résultat d’une stratégie de long terme des représentants de l’extrême centre, commencée dès le 18 fructidor an V, visant à imposer le recours à un homme providentiel qui symbolisera la réconciliation des élites, au détriment de la continuation du projet démocratique de la Révolution.
La politique d’extrême centre consiste alors à créer de toutes pièces une culture politique propre et à y greffer les institutions adaptées à cette pseudo-idéologie. Il s’agit de s’opposer au caractère dominant des idéologies de droite et de gauche, celles de la Révolution et de la Contre-révolution. Ce processus est strictement étatique. Cette opération permet d’inventer le vocabulaire permettant d’opposer l’extrémisme à la modération.
La caractéristique et la faiblesse de l’extrême centre est de ne pas reposer sur une pensée théorique bien définie ni sur une tradition intellectuelle, mais sur un modèle institutionnel.
Ces modérés affichent leur haine de la Révolution et leur préférence pour un État fort, dont la nature autoritaire est encadrée par la loi.
Les modérés de l’État d’extrême centre parlent d’union, de compromis pour la défense de l’intérêt national. Loin d’être partisans, ils disent défendre l’intérêt général, œuvrant pour la stabilité de la société et de l’État. Il s’agit de réprimer les passions parfois déchaînées. Le contrôle de soi est considéré comme une caractéristique des classes supérieures. L’opposition entre la raison et le fanatisme justifie ainsi que les classes supérieures doivent contrôler exclusivement la puissance politique. (source Wikipédia)
 
L’extrême centre peut-il être transposé dans la vie politique française contemporaine?
Aujourd’hui l’opposition entre monarchistes et révolutionnaires n’existe plus. En revanche, de nombreux courants antagonistes s’affrontent dans le combat des idées et des valeurs: progressistes contre conservateurs, religieux contre laïcs, souverainistes contre partisans de l’union européenne, républicains contre communautaristes, isolationnistes contre cosmopolites …
L’extrême centre pourrait être envisagé comme la tentative de réaliser le compromis et l’équilibre entre ces différentes forces contraires. L’intérêt général serait alors la symbiose des intérêts particuliers.
Emmanuel Macron prétend vouloir réconcilier les français en respectant leur diversité. Au delà des clivages politiques et des fractures sociales, il rêve de fédérer les citoyens autour d’un projet commun.
Alors que Marine Le Pen ne défend les intérêts que d’une partie de la population, Emmanuel Macron pourrait avoir un avantage en se mettant au service de l’ensemble des français.
Le centrisme de Macron serait une réponse à la montée de l’extrême-droite mais aussi de l’extrême-gauche.
Mais osera-t-il passer du centre à l’extrême-centre? Car, comme l’a montré l’histoire, la réconciliation ne peut être réalisée que grâce à un état fort. L’extrême-centre est inévitablement lié à l’autoritarisme.
Alors que les Français ont longtemps appelé de leurs voeux l’avènement d’un nouvel homme providentiel, Emmanuel Macron devra plus certainement se cantonner au rôle d’un arbitre implacable. Les citoyens constitueront les forces vives d’une nation présidée par un homme qui aura l’intelligence, la créativité mais aussi l’intransigeance indispensables pour faire régner l’harmonie.