Joseph Trumpeldor, un symbole du peuple juif
Qui était Joseph Trumpeldor ?
Né à Piatigorsk en Russie, le 21 novembre 1880, il est le fils d’un militaire de l’armée russe. A ce titre, son père dispose du droit de s’installer en dehors de la zone dévolue aux Juifs. Il apprend dans une école traditionnelle juive, puis continue dans une autre élémentaire russe. Suite à une limitation du nombre des Juifs, il n’est pas reçu à l’école secondaire. Toutefois, très jeune, Joseph parvient à entrer dans une école dentaire et à suivre son enseignement jusqu’au diplôme. Aussitôt après, à seulement 22 ans, il entame un exercice en cabinet qui ne l’enchante guère (Ketterer, 2007). C’est pourquoi il décide de s’engager volontairement dans l’armée russe en 1902. Pendant la guerre russo-japonaise (1904-1905), assiégé à Port-Arthur, il perd son bras gauche. Sa carrière de dentiste se termine là. Après la capitulation de la ville, il est cantonné dans un camp de prisonniers de guerre pendant plusieurs mois. Puis, il est rapatrié en Russie où il reçoit quatre décorations pour ses faits d’armes. Il est le Juif le plus décoré de Russie. A la fin des hostilités, il est officier de réserve dans l’armée russe, chose normalement interdite aux Juifs (Laurens, 1999).
Rompant avec la tradition familiale, Trumpeldor décide de commencer des études de droit à l’université de Saint-Pétersbourg. En 1912, il part pour la Palestine qui est la propriété alors de l’Empire ottoman. Arrivé là-bas, il vit un moment dans un kibboutz, à Degania (Zertal, 2005).
Lorsque la Grande Guerre éclate, Joseph est expulsé vers l’Egypte où il rejoint les Juifs de Palestine qui ont été également expulsés par les Ottomans. C’est à cet instant précis qu’il envisage sérieusement, avec Vladimir Jabotinsky, autre activiste sioniste, la création d’une légion juive engagée aux côtés des Anglais pour affronter les Ottomans, dans le but unique de libérer la Palestine qui deviendrait ainsi territoire juif. En 1915, le corps des muletiers de Sion est fondé. Depuis 2 000 ans, cette division combattante est la première exclusivement juive qui a vu le jour et qui constitue le point de départ historique des forces militaires israélienne. Cette unité se bat à la bataille de Gallipoli (19 février 1915-9 janvier 1916), également appelée bataille des Dardanelles, où Trumpeldor est blessé à l’épaule. Fin 1915, l’unité est dissoute. Joseph travaille alors activement à la mise en place d’autres organisations militaires juives au service des Anglais. Celles-ci voient le jour en 1917 et portent le nom de Légion juive (Laurens, 1999).
De retour en Russie en 1918, il fonde le mouvement He-Haluz qui est une structure entièrement consacrée à la préparation de jeunes Juifs à s’établir en Eretz-Israël. En 1919, Trumpeldor revient en Palestine qui est, depuis la fin du conflit, sous mandat britannique (Zertal, 2005).
En 1920, Joseph est missionné par l’organisation d’autodéfense juive Hachomer pour protéger les colonies agricoles en Galilée. Au cours de son intervention, il est tué à Tel Haï, au cours d’une escarmouche contre des Arabes qui ont pénétré dans le village, avec sept insurgés issus d’un village libanais voisin. Il aurait dit avant de mourir : « C’est bon de mourir pour son pays. » Après sa mort, le village de Tel Haï a été dépeuplé et n’a été habité de nouveau qu’en 1921. Un monument à la mémoire de Trumpeldor y a été inauguré en 1934. Le lion de Tel Haï est resté le symbole héroïque de la résistance juive et sa mémoire est toujours fêtée chaque 1er mars, jour de sa mort, en Israël. Perçu unanimement comme authentique héros par tous les partis politiques du pays, son nom a été donné au Betar, mouvement de jeunesse de la droite sioniste, baptisé ainsi en 1923, en souvenir de Trumpeldor. En effet, c’est l’acronyme hébraïque de Brit Yosef Trumpledor, ou Ligue de Joseph Trumpeldor. La ville de Kiryat Shmona, ou cité des huit, a été nommée ainsi en hommage aux huit personnes qui ont été tuées à Tel Haï, dont Trumpeldor (Segev, 1999).
Dans une lettre adressée à son frère Shmouel en 1911, il écrit ces mots quasiment prophétiques : « Si une guerre éclate en terre d’Israël, on me désignera certainement pour commander des troupes bien que je me contenterais aisément de servir comme simple soldat. Nous serons là-bas à la maison et non chez des étrangers. Je suis convaincu qu’un jour viendra où, las et fatigué, je regarderai avec joie et allégresse mes champs à moi, dans mon pays à moi. Et personne ne me dira : « Va-t-en, moins que rien ! Tu es étranger sur cette terre. » Mais, si quelqu’un me parle ainsi, je défendrai, avec la force et le glaive, mes champs et mes droits. Et si je tombe au combat, je serai heureux, je saurai pour quelle cause je tombe (Segev, 1999). »
Source : http://www.histoire-medecine.fr/premiere-guerre-mondiale-dentiste-fondateur-de-la-legion-juive.php
Un Juif nouveau, complexe, qui transcende les clivages politiques et idéologiques.
Il est le symbole du Juif nouveau. C’est le premier Juif à mourir pour son pays. Il est donc légendaire.
Il brise aussi l’ image du Juif « couard ». Premier Juif à se battre dans l’armée soviétique en tant qu’officier. Combattant mais aussi leader : un Juif qui commande des non-juifs. Fier de son identité juive mais également ultra-patriote : il a déclaré : » « Prends bien garde dans ta vie de ne jamais déshonorer ton nom, le nom du peuple juif et le nom de l’Armée russe ».
Cet engagement est certainement lié à son éducation. En effet, il apprend dans une école traditionnelle juive, puis continue dans une autre élémentaire russe.
La milice sioniste qu’il a mis en place avec Jabotinsky a inspiré la crainte chez ses ennemis. Les bandes arabes qui appelaient autrefois les Juifs « awlat le mawet » (les fils de la mort) les nomment par la suite « shayatim », les diables, ce qui est un progrès décisif !
C’est l’image du Juif combattant qui inspire la crainte chez ses ennemis.
Politiquement, il fut très influencé par les idéaux socialistes et anarchistes. Dans ses lettres, Trumpeldor mentionne les enseignements de divers penseurs socialistes : Karl Kautsky, Victor Hugo, Edward Bernstein, Peter Kropotkine et Etienne Kaba, tous historiens, philosophes, journalistes et écrivains qui ont traité des questions du capital et du prolétariat. Il mentionne spécifiquement Etienne Kaba qui a écrit « Journey to Ikaria », et a suggéré à Schatz de le lire avant son aliyah. Ceci peut sembler contradictoire avec sa discipline militaire mais Trumpeldor a réussit à marier les deux et à séduire des Juifs de bords politiques différents : des sionistes de gauche comme l’Hashomer Hatzair et le Betar qui lui doit son nom.
D’un point de vue psychologique, Shulamit Laskov, dans son livre « Trumpeldor The Story of His Life », analyse cette harmonie entre militarisme et anarchisme comme la mariage entre l’instinct de survie qui nécessite la discipline, le combat et la liberté de l’âme.
Trumpeldor est un symbole du peuple juif car il rassemble ses aspirations : la liberté, la fierté, la patrie retrouvée, la justice sociale, l’expression de l’identité…
Alors qu’aujourd’hui les Juifs se divisent beaucoup sur des questions religieuses ou politiques, en Eretz comme en Diaspora, il pourrait incarner cette unité perdue à retrouver….
Il nous montre aussi que nos différences, apparemment contradictoires doivent être rassemblées pour ne former qu’un seul peuple.
Un peuple complexe, hétérogène mais uni…