Le salut hitlérien d’une athlète juive allemande aux JO de Berlin

Helene Mayer est une championne d’escrime juive allemande. En 1936, elle participe aux Jeux Olympiques de Berlin en tant que membre de l’équipe nationale allemande. Sa sélection a été utilisée par Hitler pour éviter la campagne de boycottage des USA.
Helene Mayer atteint les demi finales où elles affrontent deux autres athlètes juives ; Ellen Preis de l’équipe nationale autrichienne, Ilona Elek de l’équipe nationale hongroise, et Hedwig Hass, une allemande catholique.
Après une lutte acharnée, Elek est finalement sacrée championne olympique. Mayer terminera seconde.
L’extrait suivant du livre « Les champions juifs dans l’histoire » (Pierre Assoulen) décrit l’ambiance durant la remise des prix et particulièrement la réaction inédite d’Helene Mayer.

 

Dépitée, elle court se réfugier dans une salle réservée aux sportifs. Elle pleure, elle est si déçue. Elle désirait tellement la médaille d’or. Mais ce qu’elle désirait le plus, c’est le petit chêne réservée aux vainqueurs : « J’aurais tellement voulu avoir ce petit chêne.  » Le chêne représente l’enracinement, l’identité. Hélène ne sait plus trop où elle est. Elle pense que son origine allemande est la plus forte, mais pourquoi se refuse-t-elle à elle ? On connaît la théorie de la victimologie : quand une personne se sent rejetée, elle se sent paradoxalement attirée par son persécuteur, comme pour essayer de réparer et de tenter une réconciliation. Helene est fragile émotionnellement : l’absence de récompense du chêne, c’est comme si on la déracinait à jamais. Elle doit faire un geste fort pour montrer qui elle est et où se trouve son peuple.

Au moment de la remise des médailles, le spectacle est incroyable. Devant plus de cent mille personnes, trois femmes s’apprêtent à recevoir leurs médailles. Trois femmes juives.

Ces femmes vont recevoir la plus belle des récompenses devant une foule, pour une grande part, hostile aux Juifs. Tout le monde oublie le temps d’un instant l’identité des trois championnes. La foule reconnaissante du spectacle applaudit avec ferveur. Les trois femmes debout sur le podium face à Hitler. Le bourreau face à ses futures victimes. La chasse n’est pas encore lancée et Hitler apprécie son gibier. Dans sa tribune il regarde sereinement. Il est difficile d’y décerner une quelconque haine. 
Et pourtant…

Elek vient de recevoir sa médaille d’or. C’est au tour de Mayer de recevoir la sienne. La foule applaudit encore plus encore. L’Allemagne a failli gagner. Mayer observe, touchée par l’émotion, puis dirige son regard vers Hitler. Quelques secondes qui paraissent une éternité tant l’échange paraît chargé de sens. En l’espace d’un instant, on a l’impression qu’un dialogue s’est instauré entre le Führer et la jeune femme. Et là, une chose surprenante, extravagante, honteuse, se produit. Mayer pour montrer son attachement regarde fièrement vers Hitler, puis la foule, et effectue le salut hitlérien. Sans hésitation et avec fermeté, le bras est allongé et la paume de la main ouverte.  
Hitler avait gagné.