Le sionisme, réalisation concrète du judaïsme

Dans son ouvrage « Le néo-judaïsme », Paul Giniewski  conçoit le sionisme  comme une réalisation concrète du judaïsme. Bien que la plupart ne soient pas pratiquants, les pionniers travailleurs parachèvent à leur façon l’oeuvre de Dieu…


Extrait:  

Plus remarquable encore que ces attitudes somme toutes « naturalistes » est l’intégration profonde du travail juif qu’à su opérer le Rav Kook, premier grand rabbin sioniste de la Palestine et qui n’a pratiquement pas eu de successeur de sa trempe – un grand malheur pour l’Etat juif, qui ne sait plus exactement, certes, en quoi il est juif.

Kook a écrit quelque part que le mal n’est rien d’autre que la tâche inachevée de l’homme dans l’univers, que l’homme ne peut que parachever ou mutiler l’oeuvre de Dieu, et que par conséquent, travailler au parachèvement était l’essentiel. Il voyait dans les pionniers irreligieux d’apparence, détachés des rites, qui ne franchissaient jamais le seuil d’une synagogue, qui vivaient en concubinage avec leurs femmes, les bâtisseurs du nouveau Temple, ceux qui réinstallaient le bien dans le monde, et par conséquent, étaient dans le bien. Il devenait le champion de ces sans-dieu, qui foulaient le sacré sous leurs pieds. « Dans l’ancienne Palestine, disait Kook, le Saint des Saints était la partie la plus sainte du Temple, et sa sainteté était si grande, que seul le grand prêtre avait le droit d’y pénétrer, et même lui ne le pouvait qu’une fois par an, à Yom Kippour, le jour le plus sacré du calendrier juif, et après seulement qu’il eût accompli un rituel complexe de purification. Cependant, alors que le Temple était encore en construction, et qu’on bâtissait le Saint des Saints, les artisans et leurs assistants y entraient librement avec leurs outils, et en vêtements de travail, sans aucune espèce d’acte préparatoire de purification. De la même façon, arguait Kook, nous sommes en train de construire la Terre sainte. Les haloutsim sont les travailleurs du Temple de notre génération. Laissez-les tranquilles. On en a besoin. Ils construisent le Saint des Saints. »

Superbement, l’impiété des pionniers et la connivence du grand Kook illustrent la mystérieuse relation qu’on a indiquée plus haut dans le mot « avoda » : travail et prière à la fois, et attestent la puissance investigatrice et renseignante d’une langue où les mots définissent, simultanément, les rapports de l’homme avec l’homme et les rapports de l’homme avec Dieu, prouvant en somme que les rapports corrects entre l’homme et l’homme sont toute l’exigence de Dieu ; disant tout, laconiquement dans le langage de l’homme, et avec la simplicité des grands axiomes irréfutables… Les champs défrichés le jour du Sabbath par les sans-dieu contemporains de Kook, montaient au ciel comme l’encens le plus agréable à Dieu, et disaient mieux sa gloire que les pieuses oraisons…

Ainsi, la pensée des premiers penseurs du sionisme ne représentait pas une rupture avec la tradition, mais sa mise en application. On allait à l’Etat juif par le travail juif, parce qu’on voyait dans le travail-prière l’instrument par excellence du pouvoir d’action du judaïsme, capable de produire un Etat juif, comme aussi bien n’importe quoi : produit du travail des mains, et produit de la foi en Dieu qui exauce. Nos mains sont l’attribut essentiel de Dieu.