Une réflexion sur la peinture dans le judaïsme

Jusqu’au 5ème siècle environ, l’art juif consistait principalement à la réalisation d’objets rituels, cultuels, architecturaux, voire de reproductions du vivant malgré l’interdit biblique. Les nombreuses fouilles archéologiques prouvent sans aucun doute l’existence d’un artisanat juif.

À partir du 6ème siècle, le déclin de la production artistique des juifs s’accélère, pour d’une part des facteurs endogènes au judaïsme: l’emprise des rabbins ainsi que les commentaires du Talmud, renforce considérablement dans les communautés juives l’interdit du Deuxième Commandement sur la représentation d’images considérées comme idolâtres.
D’autre part, des facteurs exogènes au judaïsme liés à la condition qui est faite aux juifs, surtout à partir du 10ème siècle: une restriction sévère de leur liberté, une obligation de vivre en communauté, voire dans des ghettos, et n’exercer que des métiers permis. L’autorité des rabbins dans ces petites communautés était déterminante. Même s’il y eut des exceptions quant à l’interprétation du Deuxième Commandement durant les siècles, où certains artistes purent produire malgré les interdits, mais sans une émergence significative des arts visuels chez les juifs.

L’ostracisme et les persécutions incroyables dont furent victimes les juifs, empêchèrent la création d’un courant de peinture juif, alors que la création artistique fut florissante dans les communautés chrétiennes. Il y eut certainement des exceptions, notamment chez des juifs convertis au christianisme, mais on n’a pas pu les identifier clairement.
Il faudra attendre le 18ème siècle, siècle des Lumières, où philosophes et savants s’affranchirent de l’obscurantisme moyenâgeux. Ce mouvement appelé Haskala chez les juifs, initié par Moses Mendelssohn, prônait de moderniser la pratique du judaïsme au grand dam des milieux orthodoxes. Ce processus d’émancipation politique et sociale se poursuivit tout au long du 19ème siècle et permit enfin l’émergence de peintres juifs, peu nombreux au début, et sans qu’on puisse parler alors d’une école de peinture juive. Les sujets représentés étaient académiques sans rapport avec le judaïsme. Plus tard au cours du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, alors que le sort des juifs s’améliore, on assiste à la multiplication des peintres, des sculpteurs, ainsi que de grands collectionneurs et marchands juifs. Quasiment tous affranchis de l’orthodoxie juive et attirés par les villes où foisonnent les arts et la culture comme Paris, Vienne ou Berlin. L’école de Paris avec tous ces peintres d’origine des pays de l’Est, mais pas seulement, en est un exemple. On ne citera pas volontairement les noms de ces peintres tous mondialement connus. Le lecteur a toujours la faculté de consulter les innombrables ouvrages consacrés à ces artistes. 
Malgré le nombre et la diversité de ces artistes, il n’y eut pas à proprement parler de courant d’art juif tellement ces artistes se sont éloignés des règles de l’orthodoxie.
A l’exception de Chagall pour ne citer que lui, la plupart de ces artistes ont exprimé leur art sans référence à leur judéité. La majorité se revendiquant d’une expression artistique universelle.

Cette période faste de création artistique ne dura pas plus de trois ou quatre décennies. La seconde guerre mondiale et la sauvagerie nazie avec la destruction de six millions de juifs, dont des centaines d’artistes importants, mît fin définitivement à toute velléité d’un courant pictural juif en Europe. Paradoxalement, alors que l’on débat encore sur l’existence d’un art juif, ce sont les nazis qui accréditèrent l’existence d’un art spécifiquement juif, dit « Art dégénéré », qu’il s’acharnèrent à détruire ainsi que d’autres œuvres d’artistes non juifs jugées subversives.

Pour finir et en conclusion d’une réflexion qui ne peut être exhaustive, on peut dire qu’il n’existe pas de courant artistique juif comme d’autres ont existé en Europe. Il ne suffit pas de peindre un rabbin ou des scènes de la vie juive pour créer un courant artistique. Rembrandt, non juif, l’avait fait bien des siècles avant. 
Les juifs ne sont pas comme certains ont pu le dire incapables de création; c’est tout le contraire, ils en ont juste été empêchés.

Source de l’image de couverture: www.rodoni.ch