Brève histoire du judaïsme suisse

Des artisans et commerçants juifs se sont installés dans les cités romaines de Suisse entre le IIIe et le IVe siècle, mais les premiers documents les mentionnant ne datent que du XIIIe siècle. Pendant les deux siècles suivants, les Juifs ont régulièrement été faussement accusés de tuer des enfants chrétiens ou d’empoisonner des puits. Ils ont souvent subi des discriminations antisémites qui les obligeaient à porter un signe distinctif sur leurs vêtements, à payer des impôts supplémentaires ou à vivre dans des quartiers réservés. Ils ont été expulsés de toutes les villes de Suisse entre 1384 et 1491. Quelques familles ont toutefois bénéficié de la tolérance d’autorités locales, notamment dans les villages argoviens de Lengnau et Endingen, qui ont admis des Juifs en qualité « d’étrangers protégés » dès 1622. A cette époque, les Juifs restent interdits de certaines fonctions (dans la politique et l’agriculture, notamment), raison pour laquelle ils choisissent des professions dans le commerce et les activités bancaires, longtemps interdites aux Chrétiens.
Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que des communautés peuvent à nouveau se constituer, à l’initiative de Juifs alsaciens. Des synagogues sont construites à Bâle, Genève, Zurich, St-Gall, Bremgarten, Lucerne et Liestal dès 1852. Une vingtaine de communautés vont s’établir peu à peu.
 
Pourtant, les Juifs de Suisse ont été parmi les derniers en Europe à obtenir l’égalité politique, en 1866, sous la pression étrangère. Ils ont désormais le droit de s’installer et de travailler où bon leur semble et de jouir des mêmes droits que les citoyens chrétiens. En 1893, un vote populaire interdit l’abattage traditionnel (voir Nourriture cachère*). Cette interdiction est toujours en vigueur aujourd’hui, cas particulier en Europe avec la Suède.
 
A côté des synagogues, les Juifs ont construit des centres communautaires où sont dispensés des cours d’instruction religieuse pour les enfants, des enseignements de pensée juive pour adultes, où se réunit le Comité directeur de la communauté et où sont organisées des activités d’entraide (prise en charge des pauvres et des orphelins, visite aux malades) et culturelles. Les Juifs acquièrent également des terrains pour leurs cimetières. A cette époque, les Juifs travaillent surtout dans le commerce de chevaux et de bestiaux, dans l’industrie textile et horlogère.
 
Les Juifs se sont rapidement intégrés à leur environnement. De la même manière que la société s’est ouverte à eux, ils se sont ouverts à la société : habitudes vestimentaires, études et formation professionnelle, service militaire, engagement politique.
 
Malheureusement, l’antisémitisme n’a pas faibli avec le temps. Il s’est exprimé de manière particulièrement vive dans les années 30 et pendant la guerre : tampon J sur les passeports des Juifs allemands et autrichiens cherchant refuge en Suisse (1938), refoulement de plusieurs milliers de réfugiés juifs, spoliation de comptes en banque, de primes d’assurance, d’œuvres d’art. Si les Juifs de Suisse ont été épargnés par la déportation vers les camps nazis, ils ont néanmoins souffert de discriminations. Ces questions liées à l’attitude de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale ont ressurgi dans le débat public en 1995, provoquant également une nouvelle vague d’antisémitisme.
 
Après la guerre, la population juive de Suisse a poursuivi son intégration, en recevant notamment des charges universitaires, politiques ou culturelles importantes. Ainsi, Ruth Dreifuss a été Présidente de la Confédération en 1999.
 
La population juive de Suisse a toujours été plus ou moins stable, aux alentours de 18’000 personnes.
 
Les communautés juives les plus importantes en Suisse sont celles de Zurich, Genève, Bâle, Lausanne et Berne. Il existe également des communautés plus petites à Fribourg, La Chaux-de-Fonds, Baden, St-Gall, Endingen, Bienne, Vevey-Montreux, Bremgarten, Kreuzlingen, Soleure et Winterthour. Le judaïsme suisse est traditionaliste. Il existe aussi des communautés libérales à Genève et Zurich et des communautés ultra-orthodoxes à Zurich, Genève, Lugano, Lucerne, Bâle. Les origines géographiques sont très variées : familles alsaciennes au départ, bientôt rejointes par des immigrés d’Europe de l’Est et de l’Empire ottoman au début du XXe siècle. Aux Juifs allemands réfugiés avant la guerre ce sont ensuite ajoutés, dans les années 50 et 60, des Juifs venus des pays arabes. La majorité des communautés sont ashkénazes, même si la proportion de séfarades et d’orientaux devient majoritaire à Genève et Lausanne. On peut visiter les synagogues et cimetières en prenant rendez-vous avec la communauté locale. Signalons l’existence d’un musée juif à Bâle, dont la collection reflète le patrimoine de la région
Source: CICAD