La démocratie, une affaire de sentiments…pas de rationalité
Les référendums et les élections sont toujours une affaire de sentiments, non pas de rationalité humaine. Si la démocratie était une affaire de décision rationnelle, il n’y avait aucune raison de donner à tous des droits de vote égaux, voire des droits de vote tout court. Tout indique que certains sont plus avertis que d’autres, en particulier quand il s’agit de questions économiques et politiques spécifiques. A la suite du vote sur le Brexit, Richard Dawkins, l’éminent biologiste, a protesté que l’immense majorité de la population britannique à commencer par lui, ne devrait jamais être consultée par référendum parce qu’elle manquait du bagage nécessaire en économie et en science politique. « Autant organiser un plébiscite national pour décider si Einstein maîtrisait son algèbre ou faire voter les passagers pour décider sur quelle piste doit se poser le pilote. »
Pour le meilleur ou pour le pire, cependant les élections et les référendums ne portent pas sur ce que nous pensons. Ils concernent ce que nous ressentons. Et, quand il s’agit de sentiments, Einstein ou Dawkins ne valent pas mieux que quiconque. La démocratie suppose que les sentiments humains reflètent un « libre arbitre » mystérieux et profond, que ce « libre arbitre » est la source ultime de l’autorité et que, si certains sont plus intelligents que d’autres, tous les hommes sont également libres. Une femme de ménage illettrée a son libre arbitre au même titre qu’Einstein et Dawkins: le jour des élections, ses sentiments représentés par son bulletin de vote, comptent autant que ceux des autres.
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