Israël sera-t-il le dernier pays à reconnaître le génocide des Arméniens ?

Alors que la Chambre des Représentants des Etats Unis a adopté à une écrasante majorité une résolution reconnaissant le génocide des Arméniens par l’Empire Ottoman pendant la première guerre mondiale, Israël ne reconnait toujours pas le génocide malgré les protestations de nombreuses personnalités politiques, intellectuelles israéliennes. Le président Rivlin, favorable à la reconnaissance, parle de massacres de masse sans en reconnaître le caractère génocidaire.

En 1915 trois hommes dirigent l’Empire Ottoman : Talaat Pacha, Enver Pacha et Djemal Pacha dits les trois Pacha forment le mouvement Jeunes-Turcs. Talaat Pacha fut le véritable architecte du génocide des Arméniens. Pour des raisons nationalistes Talaat décide de liquider les populations chrétiennes de l’Empire Ottoman, les Arméniens mais aussi les Assyro-Chaldéens et les Grecs Pontiques. De 1,2 à 1,5 millions d’Arméniens seront déportés, massacrés, abandonnés dans le désert dans des conditions atroces. Environ 500 000 Assyro-Chaldéens subissent le même sort ainsi que 300 000 Grecs Pontiques.

Les Kurdes participent activement comme supplétifs aux massacres mais contrairement aux Turcs toujours négationnistes, ils commencent à reconnaître leur responsabilité dans les massacres.

La situation des Juifs en 1915 dans l’Empire Ottoman est complexe. Présent depuis le 4ème siècle avant J-C dans la région, les Juifs dans l’Empire Ottoman comme les autres minorités non musulmanes ne peuvent accéder aux fonctions régaliennes de l’Empire sauf à de très rares exceptions, ils vivent sous le statut de dhimmis et même s’ils bénéficient de certains privilèges, ils craignent pour leurs vies. La plupart sont sionistes et rêvent d’un état où ils pourraient vivre librement.

Le livre de l’historien Hans-Lukas Kieser; « Talaat Pacha : Father of Modern Turkey Architect of Génocide » nous éclaire sur cette relation complexe entre les Juifs Ottomans, sionistes et le pouvoir Jeunes-Turcs, artisan du génocide. Les Juifs resteront loyaux envers l’Empire Ottoman, à l’exception d’une petite minorité de jeunes sionistes, ils fermeront les yeux sur les massacres. Leur soutien à l’Empire est essentiellement médiatique; Talaat Pacha aurait profité de la presse juive notamment sioniste pour sa propre propagande.

Vingt cinq ans avant la Shoah, ils craignent pour leur vie et à leur idéal sioniste et ce à juste titre car l’Allemagne alors alliée à l’Empire aurait participé à la planification du massacre des Arméniens.

Hitler déclarait en 1939: « Mais qui se souvient encore de l’extermination des Arméniens ? ». Cette phrase est perçue comme un lien entre le génocide des Arméniens impunis et celui des Juifs. Des officiers allemands présents pendant les massacres des Arméniens avaient rejoint plus tard le régime nazi dont Rudolf Hess venu moderniser l’armée ottomane et qui deviendra plus tard le commandant du camps d’Auschwitz. Finalement après un long déni, l’Allemagne reconnaitra en 2015 le génocide des Arméniens au grand dam de la Turquie.

Et Israël dans tout ça ?

Pourquoi Israël ne reconnaît toujours pas le génocide. Par concurrence victimaire? Certainement pas, bien que la Turquie par l’intermédiaire de son porte parole ait déclaré que reconnaitre le génocide des Arméniens reviendrait à le mettre en concurrence avec la Shoah.

Chaque année est évoquée à la Knesset la reconnaissance du génocide et à chaque fois rejetée par les gouvernements en place alors que députés, personnalités politiques, intellectuels réclament la reconnaissance du génocide.

Depuis les années 50, la Turquie est devenue un allié stratégique d’Israël (coopération militaire, vente d’armes, service de renseignements)

Bien que les bonnes relations se soient détériorées sous l’ère Erdogan ces dix dernières années, Israël refuse toujours de reconnaitre le génocide des Arméniens pour ne pas envenimer encore davantage ses relations avec la Turquie.

L’Azerbaïdjan est également l’autre conséquence du déni de reconnaissance du génocide. En effet depuis l’ indépendance de l’Azerbaïdjan, Israël s’est rapproché de ce pays musulman à majorité chiite dans un but de coopération militaire et économique. L’Azerbaïdjan fournit une grande partie des besoins en pétrole d’Israël; sa frontière avec l’Iran en fait une base idéale pour Israël en cas de conflit avec l’Iran. L’Azerbaïdjan est également en conflit avec l’Arménie qui a gardé les territoires conquis lors de la guerre contre l’Azerbaïdjan.

La reconnaissance du génocide des Arméniens pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les relations d’Israël avec les pays musulmans alors que l’état hébreux cherche des alliés dans la région.

Espérons que pour des raisons éthiques, Israël puisse enfin reconnaitre le génocide des Arméniens.