Le judaïsme selon Ernest Renan: religion et race
On considère le judaïsme comme un fait de race, on dit : « la race juive » ; on suppose, en un mot, que le peuple juif, qui, à l’origine, créa cette religion l’a toujours gardée pour lui seul. On voit bien que le christianisme s’en est détaché à une certaine époque ; mais on se laisse aller volontiers à croire que ce petit peuple créateur est resté toujours identique à lui-même, si bien qu’un juif de religion serait toujours un juif de sang. Jusqu’à quel point cela est-il vrai ? […] j’ai la conviction qu’il y a dans l’ensemble de la population juive, telle qu’elle existe de nos jours, un apport considérable de sang non sémitique ; cette race, que l’on considère comme l’idéal de l’ethnos pur, se conservant à travers les siècles par l’interdiction des mariages mixtes, a été fortement pénétrée d’infusions étrangères, un peu comme cela a eu lieu pour toutes les autres races. En d’autres termes, le judaïsme à l’origine fut une religion nationale ; il est redevenu de nos jours une religion fermée ; mais, dans l’intervalle, pendant de longs siècles, le judaïsme a été ouvert ; des masses très considérables de populations non israélites de sang ont embrassé le judaïsme ; en sorte que la signification de ce mot, au point de vue de l’ethnographie, est devenue fort douteuse.
Le judaïsme et le christianisme (1883), Ernest Renan