Mais que veulent donc les peuples?

Qu’est ce que le peuple dans une société démocratique représentative? C’est un vaste sujet dont on pourrait débattre à l’infini. Pour faire simple, on pourrait dire qu’en démocratie le peuple représente l’ensemble des individus qui composent la nation. La notion de peuple en démocratie varie énormément en fonction des propres affects des individus, de leur appartenance politique, religieuse ou sexuelle, voire d’une notion encore plus indéfinie par exemple de peuple breton, corse ou de peuple juif. En grec ancien, démocratie se définie par le pouvoir au peuple donc le peuple souverain! Mais le peuple a t-il toujours raison? Pour Daniel Cohn-Bendit, le peuple n’a pas toujours raison quand il vote pour l’extrême droite, le nazisme, ou encore le Brexit. Il a juste oublié l’extrême gauche. Même son de cloche chez BHL qui nous dit d’arrêter de sacraliser le peuple en Europe, le peuple qui ne doit pas être le seul souverain. On pourrait également citer Pascal Bruckner: « Or le peuple, est comme Dieu, cette entité introuvable au nom de qui parlent tous les despotes. Il n’existe comme souverain qu’à condition d’être encadré par le processus électoral, la Constitution et l’édifice des droits… » Pour Onfray : «Le peuple, c’est ceux sur qui s’exerce le pouvoir.», sauf que c’est le peuple qui a élu le pouvoir, ou encore:«Le peuple est plus lucide que les élites.» A voir…

Nombre d’élections démocratiques ont placé au pouvoir des dirigeants controversés qui ont rapidement transformé leurs pays en démocratures, voire en dictatures. Ce sont les peuples qui portent au pouvoir ces représentants avec pour conséquence une déliquescence des institutions démocratiques. Le Vénézuela est un exemple emblématique des dérives du pouvoir. En décembre 1998, Hugo Chavez est élu président de la république à une très forte majorité, la situation du pays est mauvaise et 80% de la population vit dans une extrême pauvreté. En 1999 après référendum, toujours le peuple, la constitution bolivarienne est ratifiée. De dérives en crises économiques avec la chute des cours du pétrole, le pouvoir devient autoritaire et dictatorial. Le gouvernement bolivarien adopte une rhétorique antisémite et anti-israélienne aux poncifs éculés. Chavez, fervent allié du régime iranien a provoqué un exil massif des juifs vénézuéliens. Sous la présidence de son successeur Nicolas Maduro, ancien chauffeur de bus, successeur désigné de Chavez, l’état du pays s’est encore aggravé, le pays est exsangue, la colère gronde et en l’espace de trois ans entre 2 et 3 millions de vénézuéliens ont fui la crise économique et politique. Les juifs, qui avaient fui les persécutions nazies avaient par ailleurs été bien accueillis au Vénézuela, ont quitté massivement le pays. De 22000 en 1999, ils ne sont plus quelque milliers, environ 5000. Aujourd’hui, c’est encore le peuple qui manifeste celui-là même qui a amené au pouvoir ces dictateurs. Dans le chaos régnant, le chef de l’opposition Juan Guaido s’est autoproclamé président par intérim aussitôt reconnu par les Etats-Unis. Notre Mélenchon national bolivarien à ses heures et candidat à la magistrature suprême, s’est aussitôt offusqué d’un coup d’état fomenté par les E.U; les suiveurs de Mélenchon, et ils sont nombreux, savent maintenant quelle sera la politique de la France s’il est élu. Ce n’est plus de la politique fiction car une alliance de LFI avec le RN de Marine Le Pen est possible. L’Italie a montré la voie. Les alliances contre-nature ne font plus peur aux peuples.

En pleine crise des gilets jaunes dont les revendications partent dans tous les sens, de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par les anti-européens, les anti-immigrants,les complotistes, on s’attaque à tout, à la politique, les riches, les banques, les juifs, Bruxelles, et à l’état en général avec ce slogan; « Macron démission ». Mais que veulent ces anarcho-libertaires de foire du trône? D’ailleurs les enfants ne s’y sont pas trompés, ils jouent à la récrée à CRS contre gilets jaunes ou vice-versa.

Les peuples votent et les démocraties vacillent. C’est le cas des pays de l’Est où les peuples votent majoritairement pour des représentants nationalistes voire hypernationalistes. Sur les quinze pays d’Europe de l’Est, les partis populistes sont au pouvoir ou majoritaires dans l’opposition. Ces élus expriment clairement leur xénophobie, leur islamophobie et sont anti-immigrationnistes. La Pologne, qui n’a pas tout à fait réglé son problème d’antisémitisme, a fait une loi qui l’absoudrait de toute complicité dans l’extermination des juifs par les nazis. Paradoxalement, la Pologne entretient d’excellentes relations avec Israël avec notamment le groupe de Visegrad (Hongie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) qui soutient Netanyahu face aux critiques de l’UE sur la politique israélienne. Ils estiment que l’Europe se punit elle même en négligeant Israël. Jamais l’adage; « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » n’a été aussi vrai. Idem pour la Russie.

En ce qui concerne les autres pays de l’UE, la tradition démocratique est différente car plus ancienne mais les partis traditionalistes sont de plus en plus chahutés par la vague populiste. La crise migratoire nourrit le populisme qui tente de s’approprier le monopole de la représentation politique. Les populistes rejettent les contraintes européennes et les institutions en général. Les régimes autoritaires semblent gagner du terrain partout dans le monde. Alors les peuples ont-ils raison?  Ce qui est sûr; c’est que le vote est un privilège dont tous les peuples ne disposent pas et qu’il engage pour longtemps.