Précarité sociale et richesse culturelle

La pauvreté engendre la faim.
Mais chez ces Juifs polonais du Shtetl, c’est la soif de culture qui était plus grande.
Ils ont montré qu’il existait un lien entre la précarité sociale et la volonté de se nourrir de savoirs.
Les sociétés modernes tendent à prouver que l’inverse peut être vrai aussi.

 

« Au cours de son périple, Shoshkes, membre de l’intelligentsia juive polonaise, rend compte de la présence simultanée de la pauvreté et de la soif de culture dans les contrées reculées de la Pologne qu’il traverse. Dans un chapitre intitulé « Shtetl dans la boue », il montre comment, dans des régions où, dit-il, ne passent ni trains ni bus, « la poste apporte les journaux de la capitale, un livre tout juste publié ». Cette circulation des nouveautés entraîne une grande agitation parmi la jeunesse : « On discute dans les écoles, dans les bibliothèques, on discute de tous les feuilletons ou de la nouvelle œuvre d’un jeune écrivain yiddish. » Pourtant, rien n’est fait pour encourager une telle soif de culture car — le voyageur le répète comme un leitmotiv — « le shtetl est pauvre ». À cause de cela, « il n’y a pas de professeur, pas de représentant des partis politiques » mais, dit-il, « on vit là, avec en son cœur le désir du grand monde ». Ces mots rendent bien compte de l’opposition, dans le monde judéo-polonais, entre la vitalité de la culture, et la réalité économique très dure à laquelle les habitants des shtetlekh étaient confrontés. Cette situation recoupe plus largement les oppositions — non exactement superposables — qui séparaient le monde rural et le monde urbain, le mode de vie religieux traditionnel et le mode de vie sécularisé, le peuple et les intellectuels, et interroge en creux le rapport même de Shoshkes à son sujet. »

 

Source : https://journals.openedition.org/recherchestravaux/860