Qui est courageux?

Le courage est une qualité vantée dans nos sociétés. Une qualité presque devenue obligatoire mais qui n’est pourtant pas donnée à tout le monde. Et rarement aux moralisateurs qui font justement sans cesse des injonctions au courage .
Mais ce n’est pas la question. Car des gens courageux, il y en a… Mais ils peuvent peuvent être très différents, voire opposés.
Le courage est toujours associé à la bonté. Et c’est là que le bât blesse.
Car parmi les gens courageux, il y a des bons comme des mauvais. Et les derniers ne sont pas forcément moins courageux que les premiers.
Le courage se mesure dans les actes. Il ne s’embarrasse pas d’états d’âmes.
Le courage consiste à prendre des risques, à agir, et parfois à se sacrifier. Pour défendre des proches, une idée, une cause ou tout simplement ses intérêts. Dans le travail, dans des activités militantes, à la guerre… ou même dans la vie de tous les jours.
Nous n’avons pas tous la même définition du bien et du mal. Mais ceux qui pensent faire partie du camp du bien prétendent être les seuls courageux tandis que leurs adversaires seraient forcément lâches.
Or le pire des salauds peut être courageux alors qu’un saint peut être un pleutre.
Certes le courage est parfois mal dirigé. C’est le cas quand les actions qui en découlent nuisent aux autres.
Mais le courage, même utilisé à mauvais escient, garde une grande force d’attraction. Ainsi de mauvaises personnes peuvent être influentes car elle en ont fait preuve. Dans l’inconscient collectif, celui qui a du courage ne peut pas être complètement mauvais.
Prenons l’exemple sensible de la France pendant l’occupation l’allemande.
Il est politiquement correct de présenter les résistants comme des gens courageux qui ont pris des risques pour se débarrasser du joug nazi. A l’opposé, les collabos sont considérés comme des lâches et des capitulards.
S’il est incontestable que les résistants aient été des héros, il est plus difficile d’admettre que certain partisans de Vichy aient fait preuve de courage. Un courage que l’on aimerait mettre entre guillemets ou carrément ne pas nommer courage car il a servi une cause ignoble.
Le parcours de Paul Carbone, un ponte de la pègre française pendant la seconde guerre mondiale est significatif. Comme beaucoup de gangsters, il a travaillé pour les allemands et a participé au pire. Paul Carbone meurt le 16 décembre 1943 dans un sabotage de la Résistance qui, visant les soldats allemands en permission, fait dérailler le train à bord duquel il voyageait. Selon sa légende, Paul Carbone, les jambes sectionnées, aurait alors dit aux secouristes : « Moi, c’est foutu, occupez-vous de ceux qui peuvent être sauvés ». Il agonise pendant des heures avant de mourir d’exsanguination, une cigarette à la bouche, en disant : « C’est la vie… »
A-t-on le droit de parler de courage pour un tel homme?
Et comment qualifier les français engagés dans la collaboration la plus dure, comme certains Waffen SS français morts sur le champ de bataille alors que la plupart des allemands avaient déjà capitulé?
A contrario, évoquons les frères Guerini, des truands engagés aux côtés des résistants, et à qui on a imputé plusieurs actes héroïques. Comme l’organisation d’une filière clandestine pour que les juifs puissent s’enfuir. Ou encore l’attaque d’un convoi allemand pour sauver une fille juive de 12 ans. Des prouesses qui n’empêchaient pas les Guerini de préserver leurs affaires en faisant du commerce avec l’occupant. Les choses ne sont définitivement pas si simples.
Enfin, il est important de dire que le courage n’est pas une valeur absolue. On peut être courageux dans certaines circonstances et pas d’en d’autres.
Courageux pour travailler, courageux pour faire la guerre, courageux pour aider les autres, courageux pour lutter contre la maladie…
Par exemple, j’ai connu un ancien commandant de l’armée ayant accomplit des faits d’armes courageux au Mali et qui s’est retrouvé incapable de défendre une jeune femme agressée dans une gare.
Et combien de personnes réputées courageuses dans la vie de tous les jours s’écroulent quand elles sont touchés par la maladie?
Il est plus facile être courageux quand on choisit ces combats pas quand ils nous sont imposés par la vie…
Finalement, le courage ne pourrait-il pas être conçu simplement comme une forme de dépassement de soi…. Quelque soit le contexte.
Aller au delà de ses craintes, de ses doutes, de ses inhibitions, de ses habitudes et même de sa personnalité.
Se transformer en quelque sorte. Le courage serait presque contre nature…
Il s’agirait de changer un défaut en qualité… Passer de l’oisiveté au travail. Du repli sur soi à l’ouverture aux autres. De l’ignorance à l’érudition. De l’égoïsme à l’empathie…
Mais encore une fois, ce sont les valeurs qui sont fondamentales car elles définissent le champ d’application du courage.