Le Tikkoun Olam, une affirmation singulière de l’identité juive
La question identitaire est omniprésente chez les juifs. Elle implique des réflexions, des doutes et des remises en question. Heureusement beaucoup de juifs parviennent à y apporter une réponse bien que celle-ci diffère selon le choix de chacun.
Une des formes les plus courantes de cette expression identitaire est la pratique religieuse. Elle est caractéristique des juifs religieux, mais aussi des juifs traditionalistes. Elle s’accompagne souvent d’une vie communautaire importante. Servir Dieu, respecter certaines coutumes et traditions, entretenir des relations avec ses coreligionnaires, permet d’éprouver et d’exprimer son judaïsme. On parle ici d’un judaïsme religieux, culturel et communautaire.
Certains trouvent un sens à leur identité juive dans l’engagement politique. On pense naturellement aux juifs qui soutiennent Israël, soutien qui passe parfois par l’implication dans des associations sionistes, de droite comme de gauche, laïques ou religieuses.
Mais les juifs n’ont pas attendu le sionisme pour concilier identité et politique, notamment dans les pays de la Diaspora. Le socialisme et le communisme ont été pour de nombreux juifs, les vecteurs de certaines valeurs juives telles que l’égalité et la justice sociale. Ces idéologies ont également été le moyen pour les juifs de se positionner politiquement dans une logique d’intégration, voire d’assimilation.
Toutefois nous ne devons pas réduire l’engament politique des juifs à la gauche. L’affirmation du judaïsme est tout à fait compatible avec une pensée de droite et conservatrice. En effet la défense de certaines valeurs traditionnelles est aussi une caractéristique d’un judaïsme qui ne se cantonne pas au progressisme. Gilles-William Goldnadel, avocat, essayiste et militant pro-israélien, illustre parfaitement ce mariage entre le judaïsme et le conservatisme.
Pour d’autres, c’est l’Alyah qui constitue l’aboutissement de la réflexion identitaire.
Vivre en Israël serait le seul moyen de s’épanouir en tant que juif, car libéré de la menace antisémite qui pèse sur les juifs de la Diaspora. C’est également pour les juifs qui ne sont pas religieux, le moyen de lier judaïsme et identité nationale. Je suis israélien car je suis juif, je suis juif car je suis israélien.
Néanmoins, malgré l’accomplissement de cette quête identitaire, les juifs qui ont fait leur Alyah ne pourront pas échapper aux contradictions de la société israélienne, ni aux divisions qui sont la contrepartie à la diversité d’un pays ouvert et tolérant.
Abordons maintenant la notion de Tikkoun Olam.
L’expression Tikkun Olam signifie : « la réparation du monde », et est utilisée aussi pour décrire la « justice sociale ». Le Tikkun Olam peut être compris comme la façon dont le judaïsme conçoit un monde idéal. Souvent traduit par « réparation du monde », ou justice sociale, le Tikkun Olam sous-tend et fonde notre compréhension du religieux et notre désir d’œuvrer pour un monde de paix – pas seulement au sens d’une guerre qui se terminerait, mais comme un monde ou régneraient la prospérité, la santé et la justice pour tous.
L’expression « Tikkun Olam » est comprise de nos jours comme signifiant » réparation du monde »; elle est utilisée comme un synonyme d’action sociale.
Comment appliquer le Tikhoun Olam dans notre vie de tous jours?
Selon moi il est impossible de réparer le monde sans s’ouvrir à celui-ci. Ceci oblige à exprimer son judaïsme en sortant justement de son cadre strict. Il s’agit de s’impliquer et d’agir dans des milieux non-juifs. Non pas dans une logique de prosélytisme, ni même de défense de son judaïsme, mais avec l’objectif d’oeuvrer pour le bien en se référant aux valeurs juives. Réparer le monde en s’inspirant des préceptes du judaïsme.
Cette expression identitaire active et subtile peut se réaliser dans le cadre de la vie professionnelle, d’un engagement associatif, des loisirs et plus généralement dans nos relations quotidiennes avec les autres, particulièrement avec les non-juifs.
Elle est singulière car le judaïsme n’est que sous-jacent . Elle est courageuse car elle oblige les juifs à sortir de la zone de confort constituée par leur communauté. Elle est difficile car elle est solitaire et ne doit espérer aucune reconnaissance. C’est un travail de l’ombre mais très puissant car il véhicule le judaïsme à l’extérieur de lui même par de multiples canaux (travail, sport, éducation, politique…)
Pour conclure, nous pouvons nous demander si le Tikhoun Olam n’est parfois pas en contradiction avec certaines postures identitaires traditionnelles. Il s’accommode difficilement du communautarisme quand celui-ci consiste à procurer au juif un refuge. Il est difficile à réaliser pour les juifs qui vivent en Israël et dont la survie dans une région hostile, prime sur la réparation du monde extérieur.
Bien sûr les juifs ne sont pas contraints de choisir entre pratique religieuse, engagement politique, Alyah et Tikhoun Olam. Mais c’est souvent la personnalité, l’histoire de chacun et les événements, qui orienteront le juif vers la voie qui lui est destinée.