Véganisme ou prosélytisme
Autant le dire tout de suite, je ne suis pas vegan. Bien que très sensible à la souffrance animale, je ne suis pas encore prêt à sacrifier mes goûts et mon confort en arrêtant de consommer de la viande.
Pourtant, je suis fondamentalement d’accord avec les vegans car j’estime que manger des animaux est une forme de complicité vis à vis des violences qu’ils subissent.
Je présage même qu’à l’avenir, le véganisme sera la norme. Quand la prise de conscience sera plus grande.
Cela dit, quelque chose me gêne profondément dans l’activisme vegan. Ce n’est pas tant la violence qui est souvent inhérente à la défense d’une cause, que la tentative de convertir les autres à son système de pensée. Ce militantisme prend des formes différentes: tractages, vidéos sur les réseaux sociaux, conférences… Egalement des actions plus musclées voire illégales: manifestations, rassemblements devant des abattoirs, et plus récemment des attaques de boucherie. Il s’agit d’informer, de sensibiliser à la souffrance animale, mais aussi d’affronter physiquement les responsables et les supposés complices.
Si la radicalité des opérations peut choquer la population et finalement desservir une cause juste, la volonté de rallier à celle-ci pose aussi question.
Ne serait-il pas préférable de vivre selon ses valeurs et ses idées plutôt que d’affronter ceux qui y sont indifférents ou hostiles?
Pourquoi les vegans ne se contentent-ils pas de s’épanouir dans leur univers mental et physique, quitte à adopter un certain sectarisme: ne pas consommer de viande ou de produits laitiers, ne pas porter de vêtements fabriqués à partir d’animaux. Mais aussi ne fréquenter que des gens qui partagent leurs idéaux. Pourquoi ne pas créer des écoles vegans, des entreprises vegans, des produits de consommation ou culturels vegans, organiser des rencontres ou des loisirs pour les vegans? Elever des animaux et les protéger pour les empêcher d’être tués par des chasseurs ou condamnés à l’abattoir?
En somme, développer une véritable vie communautaire quasi-autarcique, avec ses codes, ses règles, ses valeurs, son fonctionnement. Un microcosme où les hommes et les animaux vivraient pacifiquement.
Ce type d’initiatives existe déjà mais cela ne va pas encore assez loin. Evidemment vivre ainsi n’est pas aisé dans une société où les vegans sont encore minoritaires. Mais bâtir un idéal se fait progressivement et la patience est de mise.
Plutôt que d’essayer d’emporter l’adhésion de la population, les vegans devraient selon moi lui montrer à quoi ressemblerait leur monde. D’un point de vue économique, culturel et social. Des exemples concrets d’organisation sociétale qui inspireraient les autres. Les vegans y gagneraient en crédibilité.
En s’opposant constamment à leurs adversaires, ils se définissent d’une certaine façon par rapport à eux. Car être vegan aujourd’hui c’est surtout être anti-spéciste, c’est à dire contre le concept de supériorité de l’être humain sur les animaux. Or être anti, c’est se positionner comme l’antagoniste de celui que l’on combat. C’est donc fatalement l’alimenter et le pérenniser.
C’est pourquoi les vegans pratiquent malgré eux, et parfois contre eux, le prosélytisme. A l’instar des religieux dont la mission est de convertir de nouveaux adeptes.
La volonté de convertir dénote une certaine fragilité dans ses convictions, une certaine peur de l’autre qui menacerait notre intégrité spirituelle. D’ailleurs, les non-vegans n’empêchent jamais les vegans d’être ce qu’ils sont. Alors que le principe même du véganisme est son existence en tant que modèle unique et incontestable.
Je conclurais avec la certitude que la cause vegan triomphera un jour.
Mais cette victoire ne sera pas le fruit de la violence et du prosélytisme.
Elle résultera de l’adhésion progressive à une vision sociétale réaliste plus juste et plus épanouissante.
Ainsi le véganisme deviendra un véritable acquis et une condition indispensable à l’harmonie dans monde nouveau.