Calvaire humain en espace clos
Perdu, il se retrouva dans une chambre d’hôtel de 7 mètres carrés. Assailli par l’angoisse, le doute, la peur, la haine et la colère, complètement anéanti par la terreur qui le martelait, il s’était caché non pas d’un homme ou d’un groupe d’hommes, mais de la peur et du désarroi. La noirceur explosive et destructrice de son âme faisait oublier la forte luminosité de la pièce ; le son de la télévision qu’il mettait pour se rassurer était vain. Le ciel grondait d’un éclat vif et intermittent sans qu’il ne puisse l’entendre. Son ventre était tiraillé par l’angoisse, comme une respiration bloquée mais qui continuait à fonctionner ; les pas qu’il faisait ne le rassuraient pas le moins du monde. Toutes ces tentatives physiques et psychiques échouaient lamentablement. Et pendant ce temps-là, le ciel hurlait, des explosions d’une violence rare et chaotique se faisaient entendre à l’extérieur quand lui y restait sourd. Il pensa se soulager en téléphonant à un ami. Il n’en eut même pas la force. Ses angoisses grandirent, sa terreur se fit encore plus vive, quasi destructrice, quasi fatale. Pourtant, il survivait mais se sentait comme une immonde soupe placide et immobile qui ne bougeait que par une mystérieuse percussion. Un très léger soulagement vint et lui donna enfin une force minimale pour téléphoner à un ami. Pourtant, le contact téléphonique avec celui-ci aggrava sa détresse mentale alors que le ciel se rebella et hurla à la mort comme pour réveiller les morts et leur sommer de se rebeller. Peut-être qu’il voulait aussi réveiller le mort-vivant qui se trouvait dans la chambre d’hôtel. Rien n’y fit. Sa terreur se décupla et se mêla à une nausée, celle ressentie par un être terrassé qui ne pouvait communiquer avec un autre homme. Il raccrocha, prétextant une urgence. Cet échec le terrifia encore plus car il réalisa que rien ne pouvait le sauver. Il était fini, mais quelle fin, il ne pouvait pas vivre mais pas mourir non plus. Il était condamné à l’enfer vivant, mélange d’angoisses insurmontables et de pleine conscience de sa vie et de celle des autres. Il regarda alors encore à la fenêtre, toujours sourd au déchaînement de l’univers qui menaçait de détruire toute âme vivante, sauf la sienne, ce qui était encore plus cruel.
Dans ce chaos invisible et inaudible pour lui, il aperçut dans le ciel une effrayante lueur solide à forme animale. Hostile, puissante, menaçante, insaisissable. Mais elle tournoyait au lieu de crever le chemin et de peut-être tout détruire. Elle tournoyait violemment comme si elle voulait se faire voir par le malheureux. Elle était la seule à parvenir à attirer son attention. Pourtant, elle ne lui inspirait aucune terreur ; au contraire, elle le détournait de sa liquéfaction intérieure. En la regardant, ses tourments semblaient s’amenuiser alors que le ciel lui-même se tut comme effrayé respectueusement par ce monstre incompréhensible, mélange de matière et de lumière sombre et dangereuse. L’extérieur qui l’oppressait de l’intérieur sembla se déréaliser et sa seule réalité était sa vision de la chose. Il décida qu’elle deviendrait une alliée et il sentit une force grandir en lui. Une force de détachement, de colère, de destruction et de bienveillance envers ceux qui la méritaient. La chose lui donnerait la force de punir la haine, le mépris, la violence, l’ennui et les frivolités de gens inoffensifs mais dont le comportement minable était finalement un calvaire pour les braves. Il punirait aussi les rires pitoyables, le bruit incessant et inutile. Les tyrans seraient châtiés quand les prétentieux seraient rabaissés. Ainsi, son apaisement apparut comme une force salvatrice que la chose avait engendrée, sans qu’il sache si la compassion était de mise lors de cette apparition qui changerait pour toujours l’ordre établi à l’intérieur et à l’extérieur de lui. Il sortit de la chambre puis de l’hôtel, ne craignant plus de rentrer chez lui. Il savait que le combat serait long et douloureux mais son âme était libérée et il ne connaîtrait plus jamais la peur. Son combat ultime ne serait troublé que par un épuisement qu’il serait obligé de surmonter pour survivre. Il savait désormais qu’il ne pouvait se contenter de vivre. Il devait survivre, et sa survie signifierait la mort d’êtres de sang et de pensées noires ou faussement colorées d’une joie qui n’était que l’ombre de la destruction de ceux qui souffrent par les forts et les insensibles.