Julia et Simon, un couple toxique
Extrait de chroniques de la communauté juive parisienne.
Julia a 35 ans. Elle est directrice marketing chez Siemens. Elle est née le 11 octobre 1983 à Bougival dans les Yvelines. Quand elle a rencontré Simon, elle vivait à Courbevoie dans les Hauts de Seine.
Issue d’un milieu juif ashkénaze aisé, elle s’est mariée avec Luc, un avocat d’affaires issu d’une famille de notable de province . Ils vivaient à Courbevoie dans les Hauts-de-Seine.
C’est une femme qui aime diriger aussi bien dans sa vie professionnelle qu’affective. Elle a besoin de challenge, de défis et d’aventures.
Lassée d’un quotidien monotone avec un mari soumis et toujours consensuel, elle divorça de Luc après 15 ans de vie commune.
Simon a 43 ans. Officiellement, il est dans l’immobilier. En réalité, c’est un truand qui travaille pour la pègre juive parisienne. Il est né le 05 juillet 1975 à Paris dans le 14ème arrondissement de Paris. Il habite à Denfert Rochereau. De milieu plutôt modeste, il a gravi les échelons dans le milieu du banditisme. Si sa situation « financière » est aujourd’hui confortable, il reste un truand d’envergure moyenne qui aimerait grimper dans la hiérarchie criminelle.
Il est impulsif, violent, peu respectueux de l’autorité et déteste la contradiction. Sentimentalement, il est instable car il aime conquérir les femmes. Il n’a pas d’enfant.
Eric est le fils de Julia. Il a 15 ans et est en seconde au Lycée Jacques-Feyder à Paris. Il est né le 07 octobre 2003 à Neuilly-sur-Seine.
C’est un garçon, calme, sensible et équilibré. Sociable, un peu détaché et à tendance individualiste. Il est intelligent et plutôt cultivé.
Il entretenait de bons rapports avec ses parents avant le divorce.
Il avait de la considération pour ses deux parents qu’il se gardait bien de juger, même s’il ne comprenait pas l’emprise de sa mère sur son père.
Le divorce entre Julia et Eric l’a quelque peu perturbé car un certain équilibre était rompu. Il n’en était pas trop affecté car il gardait des bonnes relations avec ses parents.
Julia et Simon se sont rencontrés au restaurant La Gitane dans le 15 ème arrondissement de Paris.
Après quelques regards échangés, preuves d’une attirance réciproque, ils se sont donnés discrètement leur numéro de téléphone sans que Luc s’en aperçoive. En revanche Eric avait cerné leur petit manège..
Peu de temps après la première rencontre, Julia et Simon ont commencé à se fréquenter.
Julia était attiré par le côté sombre de Simon: mauvais garçon, dominateur et violent. Même si celui-ci prétendait qu’il avait des affaires régulières. Elle rêvait certainement de remettre cet « égaré » dans le droit de chemin. A moins qu’elle ait un désir inconscient de soumission à un homme après toutes ses années durant lesquelles elle a mené son couple à la baguette.
Simon, quant à lui, était attiré par la beauté de Julia mais aussi par son milieu social. Conquérir Julia, c’était accéder à un monde qui lui était inconnu. Celui des bonnes manières, de la bonne éducation. C’est comme s’il voulait se purifier.
Après avoir fréquenté Simon pendant trois mois, Julia divorça de Luc et proposa à Simon de venir vivre dans sa grande maison de Courbevoie.
Le 11 avril 2018, Julia, Simon et Eric emménageaient à Courbevoie
Au début de la relation, Simon, Julia et Eric vivaient comme une famille bourgeoise classique. Ils partageaient de nombreuses activités: week-ends, vacances, restaurants, sorties au cinéma, au théâtre, sports…
Simon délaissait peu à peu son milieu de voyous et pénétrait dans l’univers policé de Julia. Il monta même sa propre agence immobilière, bien décidé à s’élever professionnellement. Tous les deux s’épanouissaient et y trouvaient leur compte. Simon se tempérait et menait désormais une vie plus paisible. Julia réussissait son pari de faire rentrer Simon dans le droit chemin.
Eric s’accommodait de la situation et sa nouvelle vie n’était pas très différente de celle qu’il avait connue avec ses parents avant le divorce. Il n’était pas encore très proche de Simon mais leurs rapports étaient cordiaux.
Après six mois passés ensemble, les rapports entre Simon et Julia commençaient à se dégrader.
L’ancienne vie de Simon lui manquait, moins pour l’argent que pour l’adrénaline qu’elle lui procurait. Sa vie rangée commençait à l’ennuyer. Sa nature profonde refit surface.
Il commençait à s’absenter, parfois sans prévenir Julia ou sans lui donner d’explications. Il retrouvait régulièrement ses anciens amis de la pègre après son travail. Pour boire un verre ou discuter de futures magouilles. Simon se remettait aussi à succomber aux charmes de filles qui gravitaient autour de son ancien milieu. Comme avant sa rencontre avec Julia.
Les premières disputes éclataient. Julia reprochait à Simon ses absences répétés. Simon rétorquait qu’il n’avait pas se justifier.
Eric s’inquiétait et craignait de revivre une nouvelle rupture alors qu’un semblant de stabilité s’était installé dans sa vie.
Les relations étaient tendues mais la famille continuait de partager des moments agréables. Simon ne voulait pas gâcher sa nouvelle vie et les plaisirs qu’elle lui procurait. Julia avait de l’espoir et espérait que ces premières difficultés ne soient qu’une épreuve à surmonter qui renforcerait finalement son couple.
Eric gardait la tête froide.
Simon continuait de retrouver ses amis après le travail. Il débuta même des flirts avec d’autres filles lors de ses sorties. Il ne faisait pas d’efforts pour se rendre davantage disponible pour son couple.
Julia se montrait de plus en plus insistante pour que Simon consacre plus de temps à leur couple mais Simon ne cédait pas. Il voulait garder sa liberté.
Julia menaça alors Simon de rompre avec lui s’il ne se recentrait pas davantage sur sa famille.
Simon comprenait alors qu’il pouvait perdre Julia et il ne le supportait pas. Pas vraiment par amour. Davantage par peur de devoir abandonner sa nouvelle vie. Mais surtout par fierté…
Il devenait alors violent envers Julia. D’abord verbalement, puis physiquement. Toute remarque de Julia était punie par une gifle. Puis il se mettait à la frapper de plus en plus violemment. Et de plus en plus fréquemment.
Au début, Julia résistait et essayait malgré tout de ramener Simon à la raison. Mais la surenchère dans la violence que Simon exerçait eut raison de sa bonne volonté.
Pourtant elle ne voulait pas quitter Simon. Alors elle n’avait pas d’autre choix que de se soumettre à ses désirs.
Simon faisait désormais ce qu’il voulait. Il sortait, voyait d’autres filles, reprenait ses escroqueries, tout en continuant de profiter du milieu social de Julia. Les sorties, les clubs huppés, les week-ends, les voyages…
Etonnamment, Julia se résignait à accepter cette nouvelle donne. Pire, elle finissait presque par se complaire dans son rôle de femme soumise.
Eric supportait mal la situation. Il n’acceptait pas de voir sa mère totalement sous l’emprise de ce malfrat qu’il se mettait à détester.
Sa mère qui lui apparaissait si forte avant sa rencontre avec Simon n’était plus que l’ombre d’elle même. Eric éprouvait envers elle un mélange de compassion et de mépris.
Pourtant, il décida de venir au secours de Julia.
Simon ressentait l’hostilité d’Eric à son égard. Il ne le craignait pas pour autant, persuadé qu’il n’oserait rien faire contre lui car dissuadé par la violence dont il avait preuve envers la mère et qu’il pourrait exercer contre le fils. Les échanges entre eux devenaient quasiment inexistants.
Eric était déterminé à se débarrasser de Simon. Il aurait pu alerter la police ou les services sociaux. Il décida d’agir autrement.
Il ne voulait pas seulement sauver sa mère. Il voulait aussi punir Simon. Alors, il réfléchissait à un plan pour y parvenir.
Pendant les vacances de février, Julia rendait visite à ses parents à Saint-Paul de Vence, dans le Sud de la France.
Simon en profita pour faire venir une fille qu’il avait probablement séduit lors de ses soirées. Eric constatait qu’elle venait régulièrement à la maison. Apparemment, c’était sérieux entre Simon et elle. Elle s’appelait Karen. C’était une très jolie jeune femme de 23 ans.
Sans le menacer ouvertement, Simon avait ordonné à Eric de ne pas parler de Karen à Julia. Cela n’aurait pas changé grand chose de toutes façons. Julia se doutait que Simon fréquentait d’autres filles et l’emprise qu’il exerçait sur elle l’empêchait de le quitter. Elle était pathologiquement attachée à lui.
Un samedi soir, Eric surprenait une conversation entre Simon et Mickael, un des ses amis qui lui avait rendu visite. La discussion était houleuse. Elle portait sur la relation entre Karen et Simon. Mickaël reprochait à Simon de sortir avec la compagne d’Avi, le chef de la pègre parisienne pour lequel Simon travaillait. Il l’avertissait que si un jour Avi l’apprenait, il n’hésiterait pas à le supprimer.
Simon qui voyait Karen en secret ne semblait pas sensible aux avertissements de Mickael. Il n’avait peur de rien, ni de personne. Il n’en faisait qu’à sa tête.
D’ailleurs, il n’avait même pas cherché à être discret lors de cet échange avec Mickael. Il était convaincu que si Eric découvrait sa relation avec Karen, il n’oserait ni rien dire, ni rien faire.
Il se trompait.
Eric n’y alla pas par quatre chemins. Il décida de trouver Avi pour lui expliquer la situation. Il se doutait qu’une fois au courant, le mafieux punirait Simon. Avi avait la réputation d’être impitoyable. Il n’épargnerait pas un subordonné qui fréquente sa femme.
Après quelques recherches, Eric apprenait qu’Avi tenait un restaurant italien « Le Vezuvio » dans le 17ème arrondissement de Paris.
Une semaine avant le retour de sa mère à Courbevoie, il se rendit au restaurant rue de des Acacias, espérant rencontrer Avi.
C’était un lundi. A 21h, Eric rentra dans le restaurant et demanda à un serveur s’il pouvait voir Avi. Par chance, Avi était présent et reçut Eric dans un bureau situé à l’étage.
Eric raconta à Avi toute l’histoire, y compris les violences exercées par Simon sur sa mère. Avi resta très froid et très calme.
Il semblait déterminer à agir. Le plan d’Eric allait peut-être fonctionner…
Trois jours avant le retour de Julia, Simon se trouvait à un café dans lequel il avait ses habitudes. Ce café qui appartenait à Yoan, un des lieutenants d’Avi, était majoritairement fréquenté par les truands de la bande.
C’était un vendredi après-midi aux environs de 15h30.
Simon discutait avec ses amis et rigolait. Karen n’était pas présente ce jour là.
Avi rentra seul dans le restaurant et se dirigea vers Simon qui n’avait pas l’air inquiet.
Il fixa Simon droit dans les yeux. Sans aucune expression de haine ni émotion. Il resta très froid.
Avi saisit son révolver qu’il pointa sur la tête de Simon. Celui-ci lui jeta un regard noir. Il avait compris… D’abord pourquoi Avi voulait le tuer. Ensuite que c’était Eric qui l’avait dénoncé.
Avi lui tira quatre balles dans la tête. Il allongea ensuite Simon déjà mort au sol et lui tira une balle dans les testicules. Un dernier coup punitif et symbolique de la transgression impardonnable de Simon.
Des témoins, il y en avait. Mais Avi était certain qu’aucun n’oserait parler. D’ailleurs, la majorité des clients était à sa solde. Et les autres n’auront jamais le courage d’évoquer cette affaire à la police.
Avi s’était vengé. On ne saura jamais ce qu’il est advenue de Karen. On ne la revit jamais avec Avi. Ni dans le quartier…
Julia rentra chez elle lundi soir. A son retour à la maison, elle retrouva Eric mais pas Simon. Elle ne se posait pas de questions car, résignée, elle imaginait qu’il vaquait à ses occupations.
Eric ne lui annonça pas la mort de Simon. Il fit comme si de rien n’était. Il était plutôt serein et ne semblait pas affecté.
Julia apprit la mort de Simon par la police qui lui donna les détails des éléments qui était en sa possession. Simon a été retrouvé mort avec quatre balles dans la tête et une balle dans les testicules. Une enquête était en cours. Elle n’aboutira jamais. Grace au silence d’Eric et à la complicité des témoins.
Dans un premier temps, Julia était dans le mutisme. Elle ne disait rien, ne réagissait pas, paraissait presque insensible.
Etait-ce un soulagement? Une joie non avouée? Le sentiment que justice a été faite et qu’elle a été vengée?
Les premières semaines, Eric pensait retrouver sa mère. Celle d’avant la rencontre malheureuse avec Simon.
Il espérait qu’elle allait reconstruire sa vie, trouver un autre homme, respectueux, honnête et bienveillant.
Il n’en était rien. Julia sombra dans une profonde dépression. Elle ne supportait pas la mort de Simon. Et bien qu’elle n’éprouvait aucune tristesse, il lui manquait. Elle dépendait de Simon et elle s’était habitué à son rôle de femme soumise à un homme tyrannique qui ne la considérait pas. Le même qu’elle avait presque réussi à remettre dans le droit chemin. Mais qui finalement est parvenu à la soumettre à ses propres désirs pour tirer les avantages d’une double vie.
Dans son malheur Julia avait trouvé une stabilité. Une stabilité pathologique, certes, mais une stabilité tout de même.
Et ce triste équilibre volait maintenant en éclat.
Julia n’était plus rien. Ni dominatrice, ni soumise, ni aimée, ni mal-aimée.
Eric n’acceptait pas la réaction de Julia. Il aurait souhaité qu’elle reprenne une vie normale après cette sombre parenthèse.
Maintenant Eric méprisait la faiblesse de sa mère. Sa dépression, ses pleurs, sa léthargie… En arrêt maladie, elle ne travaillait plus. Cette Julia contrastait tellement avec la femme forte qu’il avait connue. Il ne tolérait plus celle qu’il avait pourtant sauvée, mais s’il l’avait fait, c’est pour qu’elle reparte sur des bonnes bases. Pas pour qu’elle s’auto-détruise à cause du vide psycho-affectif consécutif à la mort de Simon.
Eric avait bientôt 16 ans. Encore mineur, il ne voulait plus vivre avec sa mère.
Il se chargea lui même de contacter les services sociaux. Pas pour aider de nouveau Julia, mais pour s’en débarrasser.
Après avoir examiné la situation de la famille, les services sociaux décidèrent qu’Eric retournerait vivre chez son père. Comme Eric le désirait.
La dépression de Julia s’aggravait. Elle avait tout perdu. Il ne lui restait plus rien. Elle n’avait plus aucune raison de vivre.
Plus de mari, plus d’amant, plus de fils. Et plus de travail car elle était devenue incapable d’exercer une quelconque activité professionnelle.
Les services sociaux tentèrent de la prendre en charge et de l’aider.
Il était trop tard.
Julia sera retrouvée morte un mardi soir. Elle avait utilisé une dose importante de médicaments pour se suicider.
Eric vivait désormais chez son père Luc qui n’avait pas encore refait sa vie.
Luc n’avait plus de sentiment pour Julia et n’éprouvait pas de chagrin. Désormais seul son fils comptait.
Eric n’avait aucune peine pour sa mère. Celle qu’il avait aimée était morte d’une certaine façon quand elle s’est installée avec Simon. En éliminant le malfrat, Eric avait tenté de la ressusciter. En vain…
Il pouvait dorénavant démarrer une nouvelle vie avec son père.
Malgré une année chaotique, Eric passait en première. Il retrouvait son équilibre et recommençait à s’épanouir.
Quel sera son rapport avec les femmes à l’avenir?
C’est une autre histoire…
Quelle est la morale de cette histoire?
Lorsqu’on se met en couple, nous attendons beaucoup de l’autre.
Or ce qui rend l’échec inévitable, c’est quand on cherche à se reconstruire en utilisant l’autre.
Julia voulait satisfaire son fantasme de « sauveuse » qui rêvait de remettre Simon dans le droit chemin en l’intégrant à son univers.
Simon s’était servi de Julia pour profiter d’un monde qui lui était autrefois inaccessible.
Mais rapidement sa nature profonde refit surface, ce qui fit voler en éclat son couple et aboutit à sa mort.
Le rôle d’Eric est intéressant. Serait-ce lui le personnage le plus équilibré de la famille? Il a détruit un couple toxique et a rétabli un certain ordre en parvenant à se préserver
Cette aventure est-elle la preuve qu’une vie de couple sincère et épanouie est impossible?
Evidement non. Et heureusement les ruptures se passent rarement de façon aussi dramatique.
Est-il indispensable d’avoir réglé ses problèmes personnels et d’être en harmonie avec soi-même pour l’aventure d’une vie de couple?