Les juifs dans les prisons américaines : focus sur la série américaine culte, OZ

 

oz

 

OZ est une série culte qui a été diffusée de 1997 à 2003.

Si les scénarios sont parfois peu crédibles dans la vie réelle, les spécialistes s’accordent à dire que la série décrit avec un réalisme terrifiant l’univers carcéral américain.

Ce qui est impressionnant, c’est le très important turnover entre les personnages de la série, plus particulièrement chez les détenus. Un turnover qui s’explique par la cruauté de l’univers carcéral qui favorise un nombre exponentiel de meurtres. Il existe toutefois quelques personnages récurrents, souvent « héros » de la série. Les personnages secondaires ne manquent pas de relief et sont impliqués dans des intrigues qui contribuent à la qualité de la série.

On distingue plusieurs catégories de détenus appartenant à un clan ou à un gang:
– les gangsters afro-américains
– les musulmans
– les aryens néo-nazis
– les mafieux italiens
– les irlandais
– les chrétiens évangélistes
– les gays
– les latinos
– les bikers
– les « autres »

Ces gangs sont souvent en conflit les uns avec les autres bien que se nouent parfois des alliances circonstancielles.
Parenthèse sur le groupe des « autres ». Il rassemble des détenus de toutes origines n’ayant aucun lien direct les uns avec les autres. Les « autres » sont plus vulnérables que les membres appartenant à un gang car isolés. Il est intéressant de souligner que malgré la non-appartenance à un gang, l’administration pénitentiaire a jugé opportun de créer un groupe des « autres » comme pour céder à la communautarisation de la population carcérale.
On ne sera pas surpris que les 4 juifs dont nous allons parlés sont de facto membre du groupe des « autres ».

Pourquoi étudier la place des juifs dans cette série?
Pour 2 raisons principales. D’abord les juifs dans la série sont des personnages secondaires. Ensuite les personnages juifs ont une psychologie singulière et certains traits de personnalité apparaissent comme caractéristiques des juifs quand ils ne prennent pas la forme de clichés.

Qui sont les juifs de la série OZ?
Pour chaque personnage, nous allons faire un bref rappel des circonstances de leur détention, leur historique dans la prison mais aussi une description psychologique.

ALEXANDER VOGEL
Condamné à 50 ans de prison pour le meurtre sauvage d’un couple de personnes âgées. Nous ne le voyons apparaitre que 2 fois dans la série. On ne sait pas grand chose de lui si ce n’est que ce juif russe est considéré comme le détenu le plus violent et le plus redouté de la prison jusqu’à sa mort.
Les Aryens, en perte de vitesse à OZ, l’assassineront pour redorer leur blason et à s’attirer la sympathie des autres détenus.
Sanguinaire, tueur froid et impitoyable, on se doute que Tom Fontana, le créateur de la série aurait pu donner une autre identité à ce personnage dont on préfère ne voir aucun lien avec les juifs…

ELI ZABITZ
Cuisinier, condamné à 6 ans de prison pour avoir grièvement blessé son chef en se rebellant contre lui.
Zabitz a été engagé par les aryens pour donner de fausses informations à un détenu afin de le monter contre un autre détenu. Finalement, le détenu accusé à tord et les aryens se retourneront contre Zabitz.
Une scène pathétique et quasi-comique ponctuera la fin de Zabitz. Sans concertation le bras droit du chef des aryens et le détenu accusé à tord, se retrouveront dans la même pièce pour tuer Zabitz. Se disputant le privilège d’éliminer Zabitz, celui-ci, terrorisé, décédera d’une attaque cardiaque avant que le moindre coup lui soit porté.
Lorsque le bras droit rejoint son chef, celui-ci lui demande si Zabitz est bien mort. Le bras droit répond: « Oui! d’une crise cardiaque.. ». Les 2 nazis éclatent de rire et le chef ajoute: « Bon sang, pauvre type, je croyais que les juifs étaient censés être des durs ». Et son bras droit de rétorquer: « Seulement les israéliens… ».
Il semble que Tom Fontana oppose les juifs de la diaspora réputés lâches et les juifs israéliens qui ont la réputation d’être durs et courageux. Probablement un cliché bien que certains peuvent lui accorder un certain crédit, y compris les juifs.

NIKOLAI STANISLOFSKY
Détenu juif russe condamné à 5 ans de prison pour possession de diamants volés avec intention de les revendre. Il sera interpellé par le FBI qui le pistait depuis l’ex URSS. Il sera piégé par des policiers qui simulaient une transaction avec lui dans une voiture.
Difficile de ne pas faire le lien entre le motif d’inculpation et l’activité pourtant légale des diamantaires juifs d’Anvers.
A son arrivée à OZ, nous apprenons que Stanislofsky, qui ne semble visiblement pas impressionné par l’univers carcéral américain, a passé 7 ans dans un goulag soviétique.
Peu de temps après son arrivé à OZ, il assassinera le détenu homosexuel, Richie Hanlon, accusé à tord d’être le meurtrier de son ami, Alexander Vogel. Stanislofsky n’apprendra jamais que les Aryens étaient en fait responsables.
Pour tuer Hanlon, Stanislofsky lui a fait croire qu’il était homosexuel. En feignant d’embrasser Hanlon, il l’égorgera à l’aide d’une lame dissimulée dans sa bouche.
Plus tard Stanislofsky s’inquiétera de l’arrivée d’un redoutable et tristement célèbre tueur ukrainien travaillant pour la mafia russe, Yuri Kosygyn.
Il tentera une alliance avec les italiens et O’Reilly le gangster irlandais, mais celle-ci se retournera contre lui. Finalement Stanislofsky sera sauvé in extremis par les gardiens de la prison et Kosygyn sera écarté.
Quand les tensions raciales entre blancs et noirs débutent, Stanislofsky rejoindra la Confrérie Aryenne par opportunisme.
Par la suite, Stanislofsky parviendra à subtiliser un téléphone portable au détenu italien Ralph Gulino qu’il éliminera par la suite par l’intermédiaire des Bikers pour se blanchir de tout soupçon. Son petit stratagème sera découvert par O’Reilly, et plus tard par les Bikers qui tenteront de l’assassiner. Il sera sauvé une fois de plus par les gardiens. Il sera alors placé en détention sécurisée pour être protégé à la fois d’ O’Reilly et des Bikers.
Persuadé qu’il va mourir à sa sortie de détention, il demande au nouveau directeur de prison, l’afro-américain Martin Querns, si il peut recevoir la visite de sa petite amie… et d’un rabbin.
Sans que l’on sache exactement pourquoi, Querns prend Stanislofsky en affection et lui promet qu’il mettra tout en oeuvre pour assurer sa sécurité. O’Reilly parviendra tout de même à éliminer le russe grâce à la complicité d’une surveillante de prison avec laquelle il entretenait une relation sexuelle.
Quels sont les caractéristiques de Stanislofsky?
Angoissé à l’arrivée du mafieux ukrainien Kosygyn, ce dernier lui lancera: « Fermes la, sale juif pleurnichard ». Tom Fontana s’est peut être inspiré du stéréotype du juif angoissé pour le personnage de Stanislofsky.
On constate également que les armes du russe sont; son intelligence, la ruse, la manipulation, et sa capacité à utiliser d’autres détenus pour effectuer ses basses oeuvres. On peut y retrouver les clichés du juif malin, perfide, manipulateur et qui avance masqué tout en s’intégrant parfaitement à son milieu tel un caméléon. Le mythe du juif « fauteur de guerre », entretenu par les propagandes antisémites, apparait subtilement dans le personnage.
Enfin nous pouvons nous interroger sur le rapport ambigu qu’entretient Stanislofsky avec l’autorité pénitentiaire. A l’instar des autres détenus, Stanislofsky a une hostilité naturelle à l’égard de celle-ci. Pourtant à 2 reprises, il mobilise les gardiens pour lui sauver la vie. Il devient également par un petit jeu subtil, le protégé du nouveau directeur, ce qui aurait pu faire de lui le détenu le plus dangereux et le plus privilégié de la prison.
N’est ce pas une référence à l’aspiration des juifs à se faire accepter dans les pays de la diaspora et plus tard aux prétendus privilèges qui leur seraient accordés grâce notamment à une posture victimaire?
L’histoire de Stanislofsy fait écho à l’histoire douloureuse du peuple juif: incarcéré dans un premier temps, protégé par la suite par l’autorité pénitentiaire, puis finalement éliminé par elle (Stanislofky a été tué par une surveillante de la prison).

LEMUEL IDZIK
Ce personnage apparemment insignifiant apparait à la fin de la série.Physique ingrat, frêle, visage étriqué et sombre, son apparence contraste avec celles des brutes classiques de la prison.
Pourtant Idzik, qui s’est fait passer pour un journaliste, a assassiné Kareem Said le leader emblématique et charismatique des musulmans.
Lorsque Schillinger apprend le meurtre de Said par Idzik, il lui rend visite pour le féliciter et lui offrir sa protection. Apprenant avec déception la judéité d’Idzik, il lui demande si l’assassinat de Said a un lien avec le conflit israélo-palestinien.
La motivation d’Idzik n’était ni religieuse, ni politique mais métaphysique. Idzik avait rencontré Said dans un café à Istanbul quelques années plus tôt, avant que celui-ci se convertisse à l’Islam. Il n’avait pas supporté que Said lui parle de la vie, de la mort, de la fin de l’univers avec une telle désinvolture et une telle sérénité.
On découvre un personnage obscur, profondément dépressif et terrifié par l’idée qu’un jour l’univers disparaitra. Idzik ne donne aucun sens à la vie humaine conscient qu’un jour tout s’arrêtera.
Voulant sa propre mort, il espère que le meurtre de Said le conduira à la peine de mort ou à la vengeance d’un autre détenu. Pourtant Idzik ne se suicide pas, mettant tout en oeuvre pour que sa mort soit l’oeuvre d’un autre détenu ou de l’état (sans succès car Idzik sera considéré comme irresponsable et ne sera pas condamné à la peine capitale à son grand désarroi).
Angoisse existentielle, dépressivité, obsession de la mort, obscurantisme ne sont évidemment pas l’exclusivité des juifs. Mais on ne peut s’empêcher de penser que l’exacerbation de ces sentiments chez le personnage d’ Idzik est liée à son identité juive.
Il est également surprenant de constater qu’Idzik souhaitant sa mort à tout prix et ne la craignant absolument pas, n’a jamais mis fin à ces jours. Peut être parce que le judaïsme interdit le suicide…

CONCLUSION
Fogel le tueur froid, Zabitz le délateur lâche, Stanislofsky le manipulateur, Idzik l’illuminé…
Force est de constater que les juifs n’ont pas le beau rôle dans la série. Insensibilité, opportunisme, lâcheté, manipulation, victimisation, dépressivité, angoisse et obscurantisme. Les juifs de la série Oz véhiculent plutôt une mauvaise image.
Peut-on soupçonner pour autant Tom Fontana d’antisémitisme?Assurément non et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord car ces traits de caractères ne sont pas spécifiques aux juifs dans le série. Seulement ils apparaissent plus marqués chez eux.
Ensuite parce que tous les autres gangs ont également de nombreux traits négatifs qui font penser à des caricatures. Il n’y a d’ailleurs pas de focalisation sur les juifs qui ne sont que des personnages secondaires dans la série. OZ décrit l’univers carcéral qui est en fait un microcosme de la société américaine avec ses travers parfois bien plus réalistes que les clichés véhiculés dans les fictions.
Pour conclure, on peut dire qu’une série aussi intelligente pour ne pas dire géniale, ne peut fondamentalement pas être antisémite.

En pièce jointe une très courte présentation vidéo de chaque détenu:
VOGEL: https://www.youtube.com/watch?v=1XpNV5YEgLk
ZABITZ: https://www.youtube.com/watch?v=4BKuirHKW2E
STANISLOFSKY: https://www.youtube.com/watch?v=wOnk2C0p_vc
IDZIK: https://www.youtube.com/watch?v=wKE52qx8DcY

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