Ce texte montre que les Juifs, même autonomes et majoritaires dans une région, sont à la merci des antisémites s’ils ne comptent que sur la protection des gouvernements qui les administrent. Ici le lien entre antisémitisme et banditisme est clairement établi.Depuis la fin du XIXème siècle, vivait une importante population juive en Mandchourie. Ce territoire avait été reconquis par la Russie tsariste à la Chine. Le Tsar voulait alors « russifier » la Mandchourie. C’est pourquoi il avait proposé aux Juifs russes de s’y installer. En échange, il leur avait promis l’autonomie. Le climat était très dur en Mandchourie (-40 en hiver, été secs et chauds…). Mais les Juifs épris de liberté avait accepté la proposition. En 1925, plus de treize mille Juifs vivaient dans la grande ville de Harbin. Ils étaient très autonomes : ils avaient leurs propres banques, écoles, hôpitaux, maisons de retraites et synagogues. Ils s’y épanouissaient malgré la présence de quelques centaines de russes blancs antisémites. La Mandchourie était un paradis pour eux. La communauté juive était dirigée par le professeur Abraham Kaufman et le Rabbin Aaron Kiseleff.
L’armée du Parti mandchou japonais arrive dans la région en 1931. Son projet est d’installer un nombre important de réfugiés Juifs. Mais beaucoup de civils ne pensent qu’à y faire fortune. Ils s’emparent de tous les secteurs de l’économie. Le rêve Mandchou vire au cauchemar. Des Juifs fortunés sont capturés par des Russes blancs avec souvent le soutien officieux d’une partie des japonais.
Joseph Kaspé est un Juif d’origine française, propriétaire de la plupart des salles de théâtre et de cinéma de toute la Mandchourie. Son fils, un excellent pianiste est enlevé en aout 1933. Ses ravisseurs réclament une rançon. Le Consulat français conseille à Kaspé de ne pas céder et lui promet de retrouver les bandits. Hélas, le 3 décembre 1933, son fils est retrouvé torturé, battu, démembré et abattu d’une balle dans la tête. C’est le choc en Mandchourie. Des funérailles de grande ampleur se déroulent. Elles réunissent des Chinois et des Européens qui crient pour certains : « Mort aux Japonais ».
Une enquête se déroule après la plainte de la communauté juive auprès du Ministère des affaires étrangères. Les coupables sont d’abord arrêtés, puis relâchés. Après avoir été condamnés à une peine de quinze ans, ils sont finalement amnistiés… Le traumatisme est profond pour la communauté juive. Elle quitte en masse Harbin : 70% d’entre eux quittent le Mandchoukouo aux environs de 1935. Source : “Histoire inconnue des Juifs et des Japonais pendant la seconde guerre mondiale”