Vivre selon ses valeurs ou les faire triompher?

 

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En cette période trouble et dans un monde de plus en plus complexe, nous aspirons tous à trouver notre place et à vivre harmonieusement. Cette quête du bien-être s’accompagne toujours de questions identitaires. Mais au-delà de cette problématique, l’individu cherche toujours à définir ou à redéfinir ses valeurs. Celles-ci sont liées à son éducation, sa religion, son expérience personnelle mais aussi à une forme de volontarisme qui consiste à décider qui l’on veut être.
Si construire un système de valeurs personnelles n’est pas aisé, s’épanouir selon celui-ci relève du parcours du combattant. En effet nous subissons l’influence de ceux qui ne partagent pas nos valeurs mais qui, comme nous, ont bien le droit d’exister. Même si l’on choisit de ne pas lutter contre les valeurs des autres mais de se contenter de préserver les siennes, l’obligatoire cohabitation avec nos pairs tend à fragiliser nos convictions personnelles.


Ceci nous conduit à adopter trois attitudes différentes.
La plus négative consiste à trahir ses valeurs ou pire à les abandonner, incapable d’affirmer sa personnalité face à une majorité qui ne nous ressemble pas.
Certains adopteront un comportement plus positif en tentant de vivre dans leur propre univers pour se protéger du monde extérieur sans toutefois le renier.
Enfin, d’autres, plus ambitieux, s’évertueront à promouvoir leurs valeurs afin de construire un monde plus conforme à celles-ci.
C’est la comparaison, voire la confrontation de ces deux attitudes qui est intéressante car elle met en exergue la dualité entre l’égocentrisme et l’altruisme. Elles ont également des conséquences différentes sur la marche du monde.

Vivre selon ses valeurs sans velléités de changer le monde est un choix difficile car il faut accepter d’évoluer dans un univers restreint et d’avoir une influence très limitée sur l’évolution de la société à laquelle il est pourtant impossible d’être complètement insensible. Ce mode de vie, qui exige courage, volonté et discipline, procure un certain confort et surtout un sentiment de sécurité. En revanche, certains se sentiront frustrés de ne pas pouvoir agir sur le monde et auront le sentiment malgré leurs efforts de ne rien accomplir de grand.
Nous pouvons prendre l’exemple de certaines communautés religieuses ou de tribus ethniques dont les us et les coutumes défient la trépidation de la vie moderne sans toutefois changer la face du monde. Mais aussi d’individus qui ne se réfèrent à aucune religion, idéologie politique ou norme dominante et qui ont décidé de vivre selon leurs valeurs en s’épanouissant dans une société qui les prend parfois pour des extra-terrestres
Dans le premier cas, on peut parler de communautarisme, dans le second cas d’individualisme.

Les idéalistes qui veulent convertir le monde à leurs valeurs sont confrontés à d’autres difficultés amenant elles aussi leur lot de frustrations et de désillusions, bien que de natures différentes. Reconnaissons leur un courage plus grand que ceux qui vivent dans une quasi-autarcie. En effet ils se confrontent à un monde extérieur qu’ils perçoivent comme hostile et qui les perçoit à son tour comme de dangereux subversifs. Dans une logique de gagnant-perdant, leur vie est un combat qui ne leur laisse guère de répit et de place pour d’autres activités sociales ou de loisirs. Abnégation, sens du sacrifice, grande force de caractère, intelligence mais aussi parfois naïveté et obsession caractérisent ces utopiques qui ont décidé de lutter pour un autre monde.
Les militants politiques et associatifs ainsi que les prosélytes religieux appartiennent à cette catégorie. Les idéalistes sont plus rarement des individus isolés car ils ont besoin d’un groupe ou d’une communauté pour mener un combat qui les concerne de façon non-exclusive.
La frustration de ne pas parvenir à ses fins a souvent des conséquences plus graves, menant à une surenchère idéologique et activiste qui peut se traduire par le fanatisme et parfois le terrorisme. Le terrorisme islamiste mais aussi dans une moindre mesure l’activisme d’ultra droite et d’ultra gauche peuvent être considérés comme des dérives et même des perversions de ces idéalismes aux abois.
Nous pouvons également nous interroger sur la motivation profonde de ceux qui luttent pour que les autres adhèrent à leur pensée. N’est-ce pas le symptôme de convictions fragiles qui consisteraient à faire valider par les autres des idées dont ils douteraient en somme inconsciemment ?

Vivre selon se valeurs ou faire triompher ses valeurs est certainement la clé de l’épanouissement personnel. Dans le premier cas, cet épanouissement sera plus individuel et un peu à l’écart du monde tandis que dans le second cas il se réalisera davantage dans le cadre de la collectivité. Ces deux modes de vies exigeant qui révèlent de nombreuses qualités humaines chez ceux qui s’y adonnent, sont inévitablement sources de frustrations.
Les enseignements des philosophies orientales tendent à nuancer cette analyse. En effet, vivre selon ses valeurs même dans son propre « espace-temps » influencerait à long terme ceux qui pensent différemment. La force de ses convictions dépasserait l’individu qui verrait grandir son champ d’influence et agirait indirectement sur le monde. On connaît tous la fameuse expression d’Edward Lorenz : « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ». C’est peut-être grâce à nos actes de la vie quotidienne que nous changeons le monde…pour le meilleur et pour le pire.
Enfin, il serait impardonnable de finir cet article sans évoquer la position du judaïsme sur ce sujet.
Évidemment, notre religion interdit le prosélytisme et encourage la vie en communauté selon les valeurs de la Torah.
Mais n’oublions pas non plus le concept religieux du Tikkoun Olam qui consiste pour les juifs à réparer le monde…
Alors, pour les juifs, le choix entre vivre selon les valeurs ou les faire triompher ne deviendrait-il pas une obligation ? 

« Vivre selon les valeurs ET les faire triompher » …

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