Drogue et alcool dans les milieux juifs orthodoxes : Étude

Judaïsme, Juifs orthodoxes et usage de psychotropes : dynamiques internes et repères sociaux
Amnon Jacob Suissa

Dans Psychotropes 2006/1 (Vol. 12), pages 125 à 134

 

Idées principales de l’article:

Les milieux juifs orthodoxes (traditionnels et modernes) ne sont pas épargnés par la drogue et l’alcool.
Parfois, c’est la rupture avec la religion qui explique ces déviances. Se sentant exclus de la communauté, certains juifs se réfugient dans la drogue ou l’alcool. 
Plus rarement, mais de façon toutefois significative, c’est la pratique religieuse rigoriste qui engendre ces comportements. Les psychotropes agissent alors comme un échappatoire aux dures contraintes inhérentes à une vie juive traditionnelle.
Cependant le phénomène est moins répandu que dans le reste de la société. D’abord parce que les jeunes Juifs se soucient beaucoup du regard de l’autre et ne veulent pas être mal vus au sein de leur communauté. Ensuite, parce qu’il existe de fortes solidarités intra-communautaires qui permettent aux jeunes de s’en sortir. Souvent sans l’aide des institutions extérieures à la communauté (services sociaux, associations…).
Il est important de souligner que les Juifs orthodoxes ne considèrent pas les drogues comme des fléaux extérieurs qui viendraient nuire à la communauté juive. Ils mettent en avant la notion de responsabilité: les drogues ne sont pas incriminées en tant que tels, ce sont les comportements déviants des juifs  qui s’adonnent à ces pratiques qui sont condamnables.

 

Extrait de l’étude : 

Si les Juifs orthodoxes ont, par définition, des pratiques très conservatrices du judaïsme, voire très strictes dans le style de vie communautaire et la vie en société, le fait d’apprendre que certains membres ont parfois des problèmes de dépendance aux psychotropes peut causer de sérieux remous au sein de leurs membres. Rappelons que les communautés orthodoxes ont tendance à considérer l’environnement social public comme un espace qui génère souvent de la crainte, voire une certaine peur (Suissa, 1998). Par crainte, il faut entendre le fait que la société élargie est comprise comme véhiculant des valeurs telles que : consumérisme, individualisme, débauche, assimilation, etc. Dans ce contexte, les rapports sociaux avec le monde extérieur se retrouvent affaiblis préférant ainsi un certain repli sur soi en vue de garder son équilibre et de préserver ainsi son identité culturelle et collective.

Cette distance sociale se traduit par des liens sociaux faibles avec l’environnement social élargi tout en alimentant des liens sociaux denses et empreints de forte solidarité à l’interne des communautés orthodoxes. Cette dynamique du dehors et du dedans est traversée par un certain discours qui permet de cimenter, jusqu’à un certain point, les rapports sociaux à l’interne. En bref, cette idéologie s’appuie sur le fait qu’il faut se protéger coûte que coûte du monde extérieur de peur de s’égarer dans l’assimilation et de styles de vie indignes des valeurs profondes du judaïsme. Par voie de conséquence, l’espace doit être sauvegardé de l’intérieur en s’élevant spirituellement par la prière, en créant des zones de solidarité intra-communautaires et en déléguant le pouvoir aux leaders de la communauté, très souvent des rabbins de formation, religiosité oblige.

Dans ce contexte, les pratiques de déviance en général sont minutieusement scrutées selon une grille de survie et des valeurs propres aux groupes en question. Ainsi, quand le comportement est considéré socialement trop distant des normes communautaires, la réaction à l’acte est alors plus sévère et ce, proportionnellement à la distance que le comportement occupe dans les valeurs et normes véhiculées par le groupe en question. Comme dans tout groupe qui se veut organisé, il y a donc des règles à suivre, règles qui sont dictées par ceux qui possèdent un certain pouvoir dans l’organisation : les rabbins. Nommés par la communauté pour leurs qualités, savoirs et connaissances, ces derniers sont, aux États-Unis, identifiés par leurs vêtements distinctifs, et notamment par leurs chapeaux noirs (black hats). Dans ces communautés, les rabbins semblent occuper le haut du pavé en ce qui a trait à la gestion, aux décisions et aux orientations à privilégier.

 

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