La nation juive d’Alsace: extrait du livre « Mille ans de cultures ashkénazes »

Nation juive en France…
L’utilisation de ce terme est impensable aujourd’hui. Il sous-entendrait en effet une double allégeance des juifs français à l’égard de leur communauté et de leur pays d’accueil. Cette double allégeance que les antisémites reprochent aujourd’hui aux juifs quand ils affirment être attachés à la France et Israël. Dans le contexte de la disparition de l’état-nation ainsi que de la poussée inévitable et peut-être bientôt triomphante des communautarismes, ce modèle ancien suscite la réflexion et peut servir de référentiel pour l’élaboration d’une nouvelle organisation structurelle des Juifs de la Diaspora.

 

Extrait:

La nation juive d’Alsace comme la nation des Juifs de Metz et, à partir de 1776 (date du rattachement de la Lorraine à la France), la communauté des Juifs de Lorraine bénéficient, en tant que telles, de la protection royale. Cette protection implique une réglementation du lieu d’habitation, la tolérance de l’exercice du culte ainsi que de l’abattage rituel, l’attribution d’un terrain pour enterrer les morts. Les quartiers juifs sont délimités par des bornes, comme à Metz, le quartier Saint-Ferroy, selon l’ordonnance du duc d’Épernon du 17 janvier 1614. A Metz encore, la construction d’une synagogue est autorisée dès 1609, elle est agrandie en 1690 afin d’accueillir les nouveaux venus du Palatinat. Louis XIV la visite en 1657, lors de la fête des Tabernacles. La communauté, qui dispose d’une autonomie fiscale et judiciaire en première instance, est gérée par les syndics, véritable oligarchie élue de père en fils, qui sont aussi les interlocuteurs choisis de l’État. Ils traitent avec les intendants les marchés qu’ils font exécuter par leurs coreligionnaires, répartissent les taxes et les impôts, désignent les envoyés spéciaux chargés de défendre les intérêts des Juifs à la cour. La hiérarchie communautaire, seule garante de sa cohésion et de sa vie, reste très forte même si avec le temps des velléités d’indépendance se font jour chez quelques-uns. Des Juifs viennent de plus en plus nombreux plaider devant le Parlement qui à Metz leur impose la traduction en langue française d’un recueil des « lois, coutumes, et usages qu’ils observent en ce qui concerne les contrats de mariage, leurs majorités tutelles et curatelles, l’ordre de succession, les testaments et toute autre manière civile » pour être mieux à même de juger des conflits internes aux membres de la communauté.