Transgresser le chabbat ?

C’était à Jérusalem, la cité sainte, pendant la guerre d’indépendance d’Israël, un jour de chabbat. Un groupe de combattants était en train de creuser un fossé antichars. Vint à passer un homme de Méa Chearim, en beau caftan du samedi, en route pour la synagogue. Il a la barbe rousse. Il ralentit ses pas, regarde, hésite, s’arrête. Et demande aux soldats s’il peut donner un coup de main.
_ Quoi, le jour du Chabbat ?!
_ Si l’ennemi choisit un chabbat pour violer la ville sainte, dit-il, y a-t-il plus grande action pieuse que d’aider à briser ses desseins ?

Il ôta son beau caftan des jours de fête, le plia soigneusement et le déposa avec son livre de prières et son sac de velours brodé contenant le talleth (châle de prières) sur une pierre. Il se mit à travailler. La sueur coulait sur son visage, dans sa barbe bouclée, ses papillotes, et plaquait au corps sa chemise blanche du samedi. Il soufflait sous le poids des lourdes pierres. Il tint deux heures. Puis il ramassa ses ustensiles, dit une courte prière, et s’en alla.

 

Harry Levin